Violence, de quoi parle-t-on?

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Mes biens ne se partagent pas. Mes idées doivent se partager. Croyez ce que je crois, mais ne prenez pas ce que j’ai pris. Les hommes ne supportent pas que les biens soient communs et que les idées ne le soient pas. Et en avant la guerre ! Hegel s’en fait le théoricien : ce qui n’est pas moi, explique-t-il, devrait être à moi. Biens et pensées doivent servir la totalité que je me figure être. Nous sommes dans l’état sauvage, antérieur au droit, où le conflit cède au plus fort. La nature entière professe la religion de la lutte pour la survie et stimule l’entre-dévoration des espèces. Loi naturelle, en somme, mais que l’homme porte à son paroxysme car l’animal ajuste son instinct à son besoin. Le lion ne tue que s’il est affamé. C’est toute la différence avec la pulsion humaine qui s’élance, bien au-delà de ses nécessités biologiques. L’esprit s’engouffre dans le mauvais infini du désir et dresse entre deux rivaux le risque mutuel de la mise à mort. Ou plutôt – car que ferait-on d’un cadavre ? – il cherche à réduire l’autre en esclavage. […] Cependant, il faut bien que la violence consente à de partielles capitulations pour qu’une société se maintienne.

France Quéré (Si je n’ai pas chanté, Paris : Desclée de Brouwer, 1994, p. 70-72)

  • La violence vous semble-t-elle inévitablement liée à la vie ?

  • L’autre est-il nécessairement un rival ?

  • Selon vous, la violence de l’homme et celle de l’animal sont-elles comparables ?

Mes biens ne se partagent pas. Mes idées doivent se partager. Croyez ce que je crois, mais ne prenez pas ce que j’ai pris. Les hommes ne supportent pas que les biens soient communs et que les idées ne le soient pas. Et en avant la guerre ! Hegel s’en fait le théoricien : ce qui n’est pas moi, explique-t-il, devrait être à moi. Biens et pensées doivent servir la totalité que je me figure être. Nous sommes dans l’état sauvage, antérieur au droit, où le conflit cède au plus fort.
La nature entière professe la religion de la lutte pour la survie et stimule l’entre-dévoration des espèces. Loi naturelle, en somme, mais que l’homme porte à son paroxysme car l’animal ajuste son instinct à son besoin. Le lion ne tue que s’il est affamé. C’est toute la différence avec la pulsion humaine qui s’élance, bien au-delà de ses nécessités biologiques. L’esprit s’engouffre dans le mauvais infini du désir et dresse entre deux rivaux le risque mutuel de la mise à mort. Ou plutôt – car que ferait-on d’un cadavre ? – il cherche à réduire l’autre en esclavage. […]
Cependant, il faut bien que la violence consente à de partielles capitulations pour qu’une société se maintienne.

France Quéré (Si je n’ai pas chanté, Paris : Desclée de Brouwer, 1994, p. 70-72)

Soyez acteur de votre lecture

  • L’auteur distingue deux registres à la source des guerres : s’approprier des biens et imposer des idées. Connaissez-vous dans l’histoire des guerres des exemples concernant l’un ou l’autre de ces registres ?

  • L’auteur met en parallèle la violence de l’animal et celle de l’homme. Voyez-vous des rapports et des différences entre eux ? Qu’est-ce que la violence humaine peut avoir de spécifique,  » bien au-delà des nécessités biologiques  » ?

  • Le mot  » violence  » vous semble t-il convenir pour les différentes situations évoquées par l’auteur : guerre, convoitise des biens, imposition des idées, conflit, nécessité biologique, lutte pour la survie, mise à mort du rival, esclavage… ? Trouvez-vous d’autres situations de violence ?

Les rapports entre les êtres humains sont-ils nécessairement faits de conflit, de soupçon ou de jalousie ?
Quelles parts de violence y a-t-il dans ma propre existence ?
Quels sont les liens entre la violence subie (je suis victime), la violence commise (je suis violent), la violence regardée (je suis voyeur) ?
Pourquoi la violence me fascine-t-elle tant ? ou au contraire me dégoûte-t-elle tant ?

Un peu de culture...

Films


  • American History X
    Film américain réalisé par Tony Kaye (1998). Drame. Durée : 1h 59mn. Interdit aux moins de 12 ans.
    À travers l’histoire d’une famille américaine, ce film tente d’expliquer l’origine du racisme et de l’extrémisme aux Etats-Unis. Il raconte l’histoire de Derek, qui voulant venger la mort de son père, abattu par un dealer noir, a épousé les thèses racistes d’un groupuscule de militants d’extrême droite et s’est mis au service de son leader, brutal théoricien prônant la suprématie de la race blanche. Ces théories le mèneront à commettre un double meurtre entraînant son jeune frère, Danny, dans la spirale de la haine.
    Ce film dur à voir traverse plusieurs niveaux de violence, en famille, dans la rue, en prison, à l’intérieur du  » gang  » : violence physique avec bagarres, meurtres, viol ; violence structurelle avec le racisme et la pauvreté ; violence idéologique avec le nazisme… Et il offre des pistes de réflexion intéressantes : peut-on sortir de la violence ? est-ce une fatalité ? comment l’humour, la lecture, le rapport à l’autre peuvent aider à prendre conscience de la violence ?…

  • La tranchée des espoirs
    Téléfilm français de Jean-Louis Lorenzi (2002). Durée 1h 47mn.
    En jouant au ballon, deux enfants tombent par hasard sur la tombe d’un ancien poilu, mort en 1918 dans les tranchées. Il s’appelait Pierre Delpuech et, durant les derniers jours de son existence, a vécu avec ses compagnons d’arme une aventure humaine extraordinaire. A bout de forces, coupés du front, ils étaient six soldats français à résister à l’ennemi, enterrés dans leur tranchée. En face d’eux, une autre tranchée, où étaient terrés six soldats allemands, tout aussi épuisés et déterminés à tenir leur position. Un seul mot d’ordre d’un côté comme de l’autre : résister coûte que coûte, jusqu’à la relève…
    Ce film très beau parle de la guerre mais aussi de la fraternisation entre ennemis : Est-elle possible ? Est-ce un leurre ? Du même réalisateur, le téléfilm La colline aux mille enfants (1993) retrace le sauvetage des enfants juifs au Chambon-sur-Lignon pendant la seconde guerre mondiale, ouvrant la question de l’opposition possible, sans violence, à la violence.

  • Gandhi
    Film britannique, américain, indien (1982). Réalisé par Richard Attenborough. Historique. Durée : 3h 10mn.
    Reconstitution historique à grand spectacle de la vie de celui que l’on surnomma le  » Mahatma « . La carrière de Gandhi comme avocat débute en Afrique du Sud où il défend les droits de la minorité indienne, ce qui a un grand retentissement dans son pays. Plus tard, dans ses luttes contre les Anglais, il prône toujours la non-violence et use essentiellement de l’arme de la grève de la faim.
    Ce long et beau film pose les questions de la violence et de la non-violence, violence de l’oppression (racisme et occupation étrangère), violence ou non-violence comme méthode de lutte et philosophie de vie.

  • I comme Icare
    Film français d’Henri Verneuil (1979). Thriller. Durée : 2h.
    A la suite de la mort d’un Président d’un Etat fictif, le procureur Henri Volney (Yves Montand) qui s’est penché sur ce décès refuse les conclusions de l’enquête. Il parvient à interroger un témoin qui lui dévoile la part d’ombre de cette histoire, mais les auteurs du meurtre ne souhaitent pas qu’il découvre la vérité.
    Ce film de facture très classique, inspiré de l’assassinat de Kennedy, est intéressant pour une longue séquence reprenant l’expérience de Stanley Milgram sur la soumission à l’autorité : on y voit comment n’importe quel individu est capable d’aller jusqu’à donner la mort, si une autorité qu’il considère comme légitime lui en donne l’ordre. Il est intéressant de lire Milgram, Stanley, Soumission à l’autorité, Paris : Calmann-Levy, 1974