Marthe et Marie - Aller plus loin

La super-activité de Marthe

L’exégète François Bovon commente le verset 40 et propose une explication de la « super-activité » de Marthe :

« Marthe, aux yeux de Luc, est donc absorbée par de multiples tâches. Suivant leur sensibilité, certains perçoivent une critique dès la mention de ces multiples besognes et voient dans le tableau l’illustration de deux attitudes contraires, dont l’une serait bonne et l’autre, mauvaise. Se laissant dévorer par ses nombreux devoirs domestiques, Marthe tombe, à leurs yeux, sous le coup de la critique. C’est oublier, à mon sens, que Marthe est conçue comme la maîtresse de maison (cf. le « dans sa maison », v. 38). Son attitude s’explique, et cela d’autant plus qu’elle sait accueillir un hôte de marque. En ce cas, le tableau distingue, par contraste, deux attitudes dont la seconde est meilleure que la première. S’il y a une nuance péjorative dans le verbe perispômai, c’est que ce débordement d’activités, compréhensible mais disproportionné, empêche Marthe de vivre l’essentiel de l’instant présent. Par ailleurs, s’il s’appuie sur une préoccupation légitime, il répond peut-être aussi à des soucis mal cadrés. »

François BOVON, Commentaire du Nouveau Testament, L’évangile selon Saint Luc 9,51-14,35, Genève: Labor et Fides, 1996, p. 103.

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La liberté de choisir

L’auteur donne dans cet ouvrage un commentaire du livre de Qohéleth (L’ecclésiaste) et s’interroge tout particulièrement dans ce passage sur la liberté de choix de l’être humain.

« Afin d’essayer de comprendre, on pourrait dire qu’il y a trois niveaux de la grâce offerte à l’action humaine. Le premier, c’est précisément l’existence d’occasions données à l’homme : il existe un champ du possible. Le deuxième, c’est la capacité donnée à l’homme de repérer ces occasions : c’est le champ de l’intelligible. Mais, pour que le bilan de la vie ne soit pas nul, il faut choisir telles occasions et nécessairement rejeter les autres : c’est le domaine du risque.Pour certains, tout choix est un coup de dés livré au hasard. Pour d’autres, c’est le troisième niveau de la grâce qui, ayant créé des occasions, puis rendu l’homme capable de les représenter, joue son rôle encore à l’instant du choix : non pas pour annuler la liberté de l’homme, mais pour lui donner le courage d’être en prenant des risques dans la foi.Car, puisque l’homme a en lui l’idée du temps absolu de Dieu, il souhaite saisir des occasions qui ne soient pas simplement passagères, mais puissent être insérées par Dieu dans sa pérennité. Seulement, l’homme ne peut pas connaître ce que Dieu fait d’un bout à l’autre du temps. C’est pourquoi on ne choisira que dans le risque de la foi, en espérant que la grâce agira aussi à ce troisième niveau. Mes occasions sont dans ta main, disait le Psaume (Ps 31,16). »

Daniel LYS, Des contresens du bonheur ou l’implacable lucidité de Qohéleth, Poliez-le-grand (Suisse): Editions du Moulin, 1998, p. 66.

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La justification par la foi

Dans ce passage, l’auteur explique la justification par la foi selon Martin Luther :

« La justification par la foi est une compréhension de l’être humain. Elle soutient qu’être véritablement humain consiste à ne pas se laisser définir par ses actes, mais par la foi seule. Autrement dit, à la question de l’identité, à la question « qui es-tu ? », la réponse ultime n’est pas : « je suis celui qui fait telle ou telle chose » ou « qui agit de telle et telle manière ». La réponse est : « je suis un être qui vit devant le Dieu qui me reconnaît indépendamment de mes actes ou de mes qualités ». Avec la justification par la foi, Luther pose la question de savoir ce qui fait que l’être humain peut naître à son humanité véritable. La question cruciale est anthropologique : le salut par la foi, la justification par la foi est la naissance d’un sujet véritable. Elle est la naissance de l’humanité authentique en l’être humain. »

Jean-Daniel CAUSSE, cours de dogmatique par correspondance, Institut Protestant de Théologie de Montpellier, p. 9, chapitre II « La justification par la foi »

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Marthe ne serait-elle pas meilleure que Marie ?

L’auteur, théologien, emboîte le pas à l’interprétation de Maître Eckart, qui a réhabilité l’attitude de Marthe, et propose une interprétation qui remet en question la compréhension habituelle de l’attitude des deux sœurs:

« Une défense remarquable de Marthe a été faite par Maître Eckart, chef de file du courant de la Mystique Rhénane à la fin du Moyen ge. Il a soutenu, en effet, que contrairement aux apparences, Marthe est bien supérieure à Marie.Son idée est que le croyant doit accomplir un chemin le faisant passer de la contemplation à l’action, que Marthe a accompli l’intégralité de ce chemin, alors que Marie est en cours. Il est vrai que la contemplation doit précéder l’action, et non le contraire, et l’on ne doit pas s’arrêter à la contemplation en la prenant pour prétexte à ne rien faire.Marthe a, elle, accompli le chemin, c’est ce que montre le texte.D’abord on peut penser que Marthe se soucie du salut de Marie quand elle vient parler au Christ, lui dire de l’inciter à aller plus loin, pour qu’elle se mette à agir. On a effectivement l’impression que Marthe se soucie de Marie, alors que Marie n’a aucune pensée à l’égard de sa sœur, qu’elle fasse bien ou non d’œuvrer dans la maison, Marie aurait dû s’en préoccuper, soit pour aller agir bien avec elle, soit pour l’inciter, si elle faisait mal, à cesser son activité. Marthe, elle, va voir le Christ pour lui parler de sa sœur, et elle lui dit qu’il devrait la faire avancer vers le service qui est l’accomplissement de l’Amour.On n’est pas forcé de lire la réponse du Christ comme une fin de non recevoir, mais plutôt comme lui faisant comprendre que ce chemin s’accomplira de lui-même chez Marie, car elle écoute, et ne peut que venir ensuite au service. Patience, elle a « choisi une bonne part » : elle est sur le bon chemin, elle finira comme Marthe.Une preuve en est dans le fait que Jésus dit : « Marthe, Marthe »… Or aucun de ceux qui sont cités ainsi deux fois par Jésus n’ont été perdus. De même, dans l’Ancien Testament ceux qui sont ainsi appelés deux fois sont choisis, élus par Dieu. Marthe ne peut donc pas être l’exemple même de l’erreur et de l’éloignement de Dieu. Et l’on peut en plus voir dans ce double appel une prise en compte du fait qu’elle a, elle, les deux aspects de l’Amour : la contemplation et l’action, alors que Marie n’en a encore qu’un.Mais finalement, il n’y a pas à choisir l’une des deux explications. La vie en Christ est une dialectique entre l’action et la contemplation ; nous n’avons pas à renoncer à l’une pour avoir l’autre. Les deux sont bonnes d’une certaine manière, et il n’y a pas à choisir pour Marthe contre Marie, ou le contraire. Nous sommes « Marthe et Marie ». Et il faut que sans cesse la Marie qui est en nous écoute le Seigneur, et que sans cesse la Marthe qui est en nous vienne déranger cette douce contemplation pour l’inciter à l’action. La vie spirituelle est en soi débat, choix, dualité, et c’est ce qui fait sa grandeur. »

Louis PERNOT, Marthe ne serait-elle pas meilleure que Marie ? Luc 10,38-42http://www.evangile-et-liberte.net/article_541_Marthe-ne-serait-elle-pas-meilleure-que-Marie

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La lecture d’un exégète et sa remise en question

« Homme, j’ai cru d’abord que Marie était opposée à Marthe et que la recherche, première, du règne de Dieu excluait toute autre activité. Comme si le texte, dualiste, opposait le bien de la foi au mal des œuvres, des soucis et des besoins ! Comme si Jésus punissait Marthe ! Des femmes avisées, mes assistantes, m’ont fait réfléchir et comprendre d’abord que les soucis de Marthe n’étaient pas les soucis du monde que fustige l’apôtre Paul (1 Co 7,32-35) et l’interprétation allégorique de la parabole du Semeur (8,14). Le tableau lucanien, ai-je saisi ensuite, n’est pas fait de clair-obscur, mais d’un subtil dégradé : il n’est pas question de « mauvaise part » opposée à la « bonne part » choisie par Marie. Marthe n’a pas basculé dans le monde des ténèbres : elle est menacée, ce qui provoque les conseils affectueux de Jésus (« Marthe, Marthe … »). Nulle part, Marthe n’est encouragée à renoncer à l’hospitalité ou à la diaconie des tables, j’en suis maintenant persuadé. Jésus veut la soulager non de son service, mais de ce qui lui ôte sa joie et son rayonnement : la peur d’être seule au travail, l’impression que tout le poids repose sur ses épaules et le sentiment que Dieu est inactif. Luc nous suggère ainsi d’être d’abord Marie, puis de devenir Marthe, mais une Marthe soulagée par le Seigneur et entourée de ses sœurs et frères dans la foi. »

François BOVON, Commentaire du Nouveau Testament, L’évangile selon Saint Luc 9,51-14,35, Genève: Labor et Fides, 1996, p. 110-111.

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