Abraham - Clés de lecture

Tèrah engendre

On fait traditionnellement commencer le cycle d’Abraham en Genèse 12,1. Or Genèse 11,29-32 présente la naissance d’Abram, sa famille, son père, sa parenté, son épouse Saraï qui ne peut pas mettre au monde un enfant. La famille est aussi présentée en déplacement depuis le pays d’Our des Chaldéens vers le pays de Canaan. C’est le père Tèrah qui prend l’initiative de cette destination, mais il ne pourra se rendre en Canaan puisqu’il va mourir à l’étape d’Harrân. Cette introduction généalogique décrit les conditions d’un voyage peu favorable avec un père qui va mourir, accompagné d’un couple sans enfant et d’un neveu célibataire.
C’est dans cette situation qu’advient une parole inattendue de la part de Dieu qui ouvre une perspective nouvelle. En Gn 12,1, le Seigneur ordonne à Abram de quitter son pays, son ascendance et la maison de son père pour aller vers un pays que Dieu se charge de lui montrer. D’après la suite du récit le pays indiqué par Dieu est le pays de Canaan. Dieu prend la place de Tèrah auprès d’Abram et reprend le projet initial interrompu à Harrân pour conduire Abram à destination. L’ordre du Seigneur est suivi de promesses encourageantes au centre desquelles se trouve Abram. Le récit d’Abram commence en Gn 11,27-32 avec la naissance du héros, la présentation de sa famille, de son voyage inaugural dans des conditions difficiles. Cet épisode contient les motifs les plus importants de toute l’histoire d’Abraham.

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Saraï était stérile

La question de la continuité familiale est un motif majeur du cycle d’Abraham. Avec les promesses faites à Abram, Dieu a l’intention de dépasser cette difficulté. Une difficulté qui s’accentue avec la vieillesse d’Abram et de Saraï. Le dépassement de cette difficulté, dont dépend la réalisation des promesses de Dieu, occupe le centre du cycle d’Abraham, Genèse 15,1-6 ; Gn 16,1-16 ; Gn 17,15-22 ; Gn 18,1-15 ; Gn 21,1-8

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Ils quittèrent... pour se rendre en Canaan

Dans ces premiers versets, la quête d’une terre apparaît comme la raison essentielle du déplacement de Tèrah et de sa parenté vers Canaan. La terre est un enjeu majeur de la narration d’Abram et bien au delà de toute l’histoire patriarcale, de Jacob et de Joseph. La promesse de la terre se trouve au centre de plusieurs paroles et interventions divines. Avec cette insistance, il y a la volonté de légitimer la revendication à habiter Canaan pour tous ceux qui se rattachent à Abram

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Abram prit Saraï, sa femme, et Loth, son neveu, avec tous les biens et les gens qu'ils avaient acquis à Harrân

Bien souvent l’interprétation des récits d’Abram conduit à exalter seulement la figure du patriarche. Or Abram apparaît comme un personnage entouré et sa vocation, une vocation partagée. Saraï qui deviendra Sara occupe une place fort importante dans le récit à tel point que le cycle d’Abraham est une mise en valeur du couple fondateur de l’histoire d’Israël. Sara sauve la vie du patriarche dans le texte qui suit l’épisode ci-dessus. Elle est le sujet d’une promesse équivalente à celle du patriarche…

Loth peut apparaître comme un personnage second. Les récits le concernant pourraient être facilement séparés du reste de l’histoire. Mais Loth illustre aussi le souci de Dieu de s’occuper de toute la parenté liée à Abram. Loth est sauvé à deux reprises par Abraham et par les messagers mêmes de Dieu. Il représente une légitimation divine des voisins d’Israël.

Genèse 12,4-5 indique que le voyage vers Canaan est sans risque. Le récit n’insiste pas du tout sur la longueur ou la pénibilité du voyage. L’ordre de Dieu s’accomplit immédiatement, v.5b :  » ils partirent pour le pays de Canaan et ils arrivèrent au pays de Canaan « . Abram est un migrant aisé.

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Tèrah mourut à Harrân

Tèrah n’est pas mort lorsque Abram part si l’on suit la chronologie des versets. Tèrah a 70 ans à la naissance d’Abram. Abram a 75 ans lorsqu’il part. Tèrah a donc 145 ans. Selon le texte biblique, il meurt à 205 ans. Il a encore vécu 50 ans après le départ de son fils. Mais c’est une manière de dire que l’étape d’Harrân n’offre aucune perspective à Abram. Abram est à Harrân avec un père mourrant, avec Loth sans famille et une épouse qui n’a pas d’enfant. A Harrân, Abram a déjà quitté son passé et se trouve dans une situation sans avenir

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Va-t'en de ton pays...

L’expression  » va-t’en » est une traduction incomplète de l’expression hébraïque qui devrait être traduite littéralement : « Va, pour toi ». C’est ainsi que depuis le Moyen Âge de nombreux commentateurs juifs ont proposé de traduire cet ordre de départ de Dieu.
Cet ordre introduit une triple rupture pour Abram avec sa terre (Harrân où la famille d’Abram s’est installée), avec son ascendance et avec la maison de son père. L’interprétation courante souligne qu’Abram quitte un monde connu, sécurisant, pour s’embarquer dans le risque et l’inconnu. Abram devient le modèle de l’obéissance croyante, risquée, aveugle. C’est déjà celle de l’épître aux Hébreux (Héb 11/8). Cette interprétation ne doit pourtant pas occulter le sens de ce départ tel que l’éclairent les promesses qui encouragent à partir.

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Nahor et Milka

La mention de Nahor et de sa femme Milka est une préparation à Genèse 24 puisque Isaac ira chercher femme dans la famille d’Abraham. La rupture envisagée en Genèse 12,1 sera adoucie par la perspective de liens matrimoniaux forts entre le pays de Canaan et la terre d’origine, Harrân

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Vers le pays que je te montrerai

L’ordre de Dieu légitime la décision de Tèrah d’aller en Canaan. Mais la séparation d’Abram d’avec ce qui lui est familier, son père et tout un passé, est ici un ordre de se séparer d’une situation décrite comme compromise. Le projet d’aller vers le pays de Canaan après l’étape de Harrân était un projet sans avenir. Dieu prend en charge la présentation du pays légitimant du même coup le voyage envisagé. C’est déjà une indication que Dieu a une relation privilégiée et particulière à ce pays. Dans le chapitre suivant, Genèse 13,14-15, Dieu fait de nouveau voir à Abram tout le pays. Le privilège d’Abram de voir le pays sera aussi celui de Moïse auquel Dieu fait voir tout le pays depuis le mont Nébo. Moïse est le sujet d’une gratification comparable, même si Moïse ne peut entrer dans le pays de Canaan et meurt sur le bord de la terre promise. Ce privilège place Abram et Moïse sur un certain pied d’égalité dans les cinq premiers livres de la Bible

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Je ferai de toi...

Dieu prononce au moment de la rupture avec le passé une parole pleine de promesses, d’avenir et de perspective heureuse. Abram sait désormais ce qui l’attend. Peut-il y avoir un discours plus encourageant de la part de Dieu ?
Une grande nation, l’assurance d’une protection, un nom synonyme de bénédiction…L’ordre de Dieu est loin de signifier une prise de risque, bien au contraire. L’expression  » grande nation  » est synonyme de bénédiction, elle est utilisée dans la suite de l’histoire d’Abraham à propos d’Ismaël et de sa descendance innombrable qui est le signe de la bénédiction divine.
 » Je rendrai grand ton nom  » : La promesse d’une renommée, aussi liée à celle de la bénédiction devient le lot plus spécifique d’Isaac dans la suite de l’histoire d’Abram. L’action de Dieu de  » rendre grand le nom  » ressort plutôt de l’attachement de Dieu à la royauté de David et à son rôle de dispensateur de la bénédiction divine. Cette fonction est désormais celle d’Abram. L’injonction à la bénédiction ou à la malédiction liée à Abram vise à rendre respectable le nom d’Abram, qui fut parfois déconsidéré, et à légitimer sa place et sa fonction uniques

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Tous les clans de la terre se béniront par toi

La traduction classique « en toi seront bénies toutes les familles de la terre » n’est pas justifiée et institue Abram comme le médiateur de la bénédiction. Il est celui par qui le salut est donné à Israël et à toutes les nations. Il convient de traduire « toutes les familles de la terre se béniront en toi « . Abram est ici le modèle de la bénédiction de Dieu. Il s’agit davantage de comprendre la bénédiction d’Abram comme une bénédiction à laquelle tous les clans de la terre peuvent aspirer. Il devient l’exemple d’une relation réussie à Dieu à laquelle tous peuvent prétendre.
L’universalisme bienfaisant d’Abram est répété plusieurs fois dans le cycle d’Abraham et illustré par les relations pacifiées et amicales qu’il entretient avec les pays étrangers, notamment Abimélek et les Philistins

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Abram traversa le pays jusqu'au lieu de Sichem

Abram parcourt, « traverse » le pays. Dieu demande à Abram de traverser le pays de long en large dans le chapitre 13. Cette traversée est donc reconnaissance et légitimation d’un territoire à habiter pour les descendants d’Abram. De la racine hébraïque « traverser » provient le mot « hébreu ». Abram est qualifié d' »Abram l’Hébreu » dans le chapitre suivant.
Abram s’arrête à Sichem. Les noms de lieux dans ce premier récit dessinent une topographie de l’unité d’Israël en s’arrêtant en des lieux symboliques du Nord au Sud. Plus loin, Abram s’arrête à Béthel…
Le récit note de manière non agressive que les cananéens « habitent le pays » sans menace particulière. Leur présence est une manière de souligner la nécessité de cohabiter de manière paisible.

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Le Seigneur apparut à Abram

Non seulement le pays est celui que Dieu fait voir, il est aussi le pays où Dieu se fait voir. Il y a une parallélisme voulu entre le v.1 et le v.7 avec l’utilisation du même verbe en hébreu, la racine « voir ». La théophanie Ce mot d'origine grecque veut dire "Manifestation de Dieu" ou encore "Révélation de Dieu". souligne que Dieu est présent dans ce pays et qu’il y habite. Le pays de Canaan est le pays de Yhwh YHWH ne comporte pas de voyelles en hébreu. Il vient de l'hébreu "hava" qui signifie "être" ce nom signifierait "celui qui était, est et sera".. Il s’agit de la première apparition de Dieu dans la Bible. La théophanie est le lieu d’une promesse du pays et prépare les autres manifestations de Dieu à Abram, qui vont se succéder au cours de toute son histoire

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Je donnerai ce pays à ta descendance

Au cours de la théophanie Ce mot d'origine grecque veut dire "Manifestation de Dieu" ou encore "Révélation de Dieu"., Dieu annonce le don du pays à la descendance d’Abram. La promesse de la terre est un thème essentiel du livre de la Genèse, il court à travers toute l’histoire d’Abraham mais aussi à travers celle de Jacob et de Joseph. C’est aussi un thème-clef dans les autres livres du Pentateuque, notamment dans les livres de l’Exode et du Deutéronome. Cette promesse fait apparaître tout le cycle d’Abram comme une légitimation de la venue en Canaan. Abram peut donc parcourir Canaan, y vivre et y planter sa tente. Ce pays là, Dieu le destine aux descendants d’Abram. Dieu ouvre et assure un avenir pour sa descendance dans un pays que Dieu lui-même désigne et habite. Aller au pays de Canaan, c’est aller vers le pays des promesses et répondre à la volonté de Dieu.
Le texte ne précise pas nommément qui est la descendance d’Abram et n’évoque aucune prise ou conquête du pays. Plus tard, le pays va apparaître comme le lieu où toute la semence multiple d’Abram peut vivre, même si chaque branche est attachée à un territoire particulier.

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Entre Beth-El à l'ouest et Aï, à l'est

Comme pour Sichem, les mentions de Béthel et d’Aï dessinent une topographie de l’unité de Canaan en évoquant des lieux liés au fondateur de Béthel, Jacob, et aussi à la réalisation de la promesse de la terre avec Josué qui a conquis . Dans son voyage, Abram anticipe déjà l’histoire des liens entre Israël et le pays de Canaan

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Il bâtit là un autel et invoqua le nom du Seigneur

Dans la deuxième partie de ce récit, Gn 12,7-9, la dimension religieuse du pays est à remarquer. À la révélation de Yhwh répondent les gestes d’Abram de construction d’autels, gestes répétés à deux reprises. A chaque étape, Abram construit un autel pour Yhwh. Sur aucun d’eux, il ne sacrifie, mais il invoque le nom du Seigneur. Au cours de ce culte, le narrateur dit qu’il offre une parole de reconnaissance dans laquelle il appelle Dieu par son nom. Cela marque la proximité du patriarche avec Yhwh. Dieu qui rend grand le nom d’Abram se laisse connaître et invoquer par son nom. Le Dieu d’Abram n’est pas un dieu inconnu, c’est Yhwh. Canaan est le territoire où se célèbre le culte de Yhwh, Abram est celui qui l’a introduit. Dans la suite du récit d’Abraham, le seul lieu où Abram sacrifie, c’est celui où il a fait monter Isaac sur la montagne et sur l’autel. Le seul lieu possible de sacrifice est un certain lieu Moriyya (nom voilé de Jérusalem).

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Abram repartit

Ce verset avec une indication topographique, le Néguev, est un verset de transition qui prépare l’épisode suivant dans lequel Abram se rend en Egypte. En même temps, le récit indique que le voyage d’Abram l’a conduit du nord à la pointe sud du pays

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Abram/Abraham

Il s’agit de deux appellations que l’on considère parfois comme des variantes d’un même nom. Le nom d’Abram fort répandu dans le Proche-Orient ancien est un nom théophore (nom portant le mot Dieu, comme Gabriel,  » Dieu mon héros « ) qui signifie  » le père est élevé « . La divinité fut longtemps considérée comme liée à l’ancêtre, au  » père  » du clan : Dieu de Jacob, du clan de Jacob. En Genèse 17, l’écrivain s’inspire de Genèse 32,23-33 (selon la reconstruction de l’histoire littéraire) pour changer le nom d’Abram en Abraham avec la signification  » père d’une multitude de peuples « . Il s’inspire aussi de la pratique diplomatique entre états. Un roi suzerain pouvait donner un autre nom à un roi devenu son vassal, 2Rois 23,34. Par ce changement de nom, le narrateur de Genèse 17 insiste sur l’ancêtre commun qui relie un certain nombre de peuples autour d’Israël. Il existe aussi des interprétations plus psychologiques : Abram = mon père est grand = tourné vers le culte du père, le passé ; Abraham = père du peuple = ouverture vers l’avenir.

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