Psaume 22 - Aller plus loin

Le commentaire du psaume 22 par Luther

Le réformateur Martin Luther a commenté le psaume 22 à l’occasion d’un cours donné à Wittenberg en Allemagne entre août 1519 et avril 1521. Dès la suscription, il propose une lecture christologique du texte. Il affirme que l’image de la « biche de l’aurore » est en réalité le Christ souffrant. Il fait référence à la passion du Christ.
« C’est pourquoi David, de même qu’il l’avait fait avec le mot biche, semble pareillement avoir placé ici une aurore allégorique, afin d’entraîner le fidèle qui le lit de la biche charnelle à la biche spirituelle, qui est le Christ. En effet, pourquoi dirait-il biche de l’aurore plutôt que n’importe quel autre moment ? Mais le Christ est la Biche de l’aurore parce que lui-même, ayant souffert, l’a emporté sur la loi, détruit le péché, vaincu la mort, et qu’il a fait se lever un nouveau siècle et un nouveau jour, dans lequel commença la grâce, la vie et le salut ! Le sens est donc que ce psaume a été à l’adresse du Christ, auteur de la rénovation de tous, le « vieil être » […] ayant été emporté par sa Passion. Ainsi la nuit est avancée, et l’aurore est là, et le jour s’est approché ! »
Martin LUTHER, Œuvres, Tome XVIII, Etudes sur les psaumes, Genève: Labor et Fides, 2001, p. 397.

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"Les prophètes annoncent la venue de Jésus à la lettre"

Thomas d’Aquin (1225 – 1274) est un théologien italien appartenant à l’ordre des dominicains. Il enseigne la théologie à Paris. Son ouvrage principal rédigé entre 1266 et 1273 est la Somme théologique. Il affirme dans son commentaire du psaume 22 que le texte doit être appliqué au sens littéral au Christ :

« Ainsi qu’on l’a dit plus haut, il en va ici comme dans les autres prophéties : il s’agit de certains personnages alors présents, mais qui étaient des figures du Christ et de certains faits relevant de la prophétie elle-même. Et il arrive donc parfois que l’on présente certaines choses concernant le Christ qui échappent aux limites de l’histoire. Et parmi elles, il y a ce psaume-ci, qui traite d’une manière spéciale de la Passion du Christ. Et tel est justement son sens littéral. C’est spécialement ce psaume que le Christ a dit lors de sa Passion, lorsqu’il s’écria : Hely, hely, lama sabacthani, ce qui veut dire : Dieu, mon Dieu, selon les premiers mots du même psaume. Aussi, bien que ce psaume au sens figuré soit dit de David, il doit spécialement être référé au Christ au sens littéral. »

Texte de Thomas d’Aquin cité dans : Service biblique évangile et vie, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? psaume 22, Paris: Cerf (Cahier Evangile n° 121 supplément), septembre 2002, p. 77-78.

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Extraits de textes de Justin, Origène, Eusèbe de Césarée

Justin, Dialogue avec Tryphon 103,7-8
« La parole : Comme de l’eau, tous mes os se sont répandus et ont été dispersés, mon coeur est devenu comme de la cire qui fond au milieu de mon ventre [Psaume 22,15], c’est bien ce qui lui [Jésus] est arrivé en cette nuit-là lorsqu’ils ont marché contre lui au mont des Oliviers pour le prendre : c’était une prédiction. (…) Il est clair que son cœur était tremblant, ses os pareillement, que son cœur semblait de la cire fondue dans son ventre, afin que nous sachions que le Père avait voulu que son propre Fils se trouve véritablement à cause de nous dans de telles souffrances, et que nous ne disions pas que, comme Fils de Dieu, il n’était pas saisi par ce qui survenait et lui arrivait ».

Origène, Traité des principes, II,8,1
« Dans le psaume 21 [c.à.d. Ps 22 TM] il a été dit du Christ – car il est certain que ce psaume est écrit au nom du Christ lui-même, comme l’atteste l’évangile – : Seigneur, ne tarde pas à me secourir, cherche à me défendre, délivre mon âme de l’épée, et mets à l’abri de la patte des chiens ma fille unique [= mon âme Ps 22,20-21]. Il y aurait beaucoup d’autres témoignages sur l’âme du Christ incarné. »

Eusèbe de Césarée, Sur le psaume 21 [c.à.d. 22 TM] PG 23,212C
« Lorsque les pauvres mangent, dit l’Ecriture, et lorsque ayant mangé ils sont rassasiés (ou repus, selon Symmaque), alors ils loueront le Seigneur, ceux qui le cherchent. [Ps 22,27] Après avoir mangé la nourriture qui leur a été donnée par lui, et après l’avoir cherché, ils auront le beau fruit qui est montré ensuite : Leurs cœurs vivront pour les siècles des siècles [Ps 22,27]. Car le pain de vie [Evangile selon Jean 6,35], qui leur a été offert par lui [Jésus], sera pour eux cause d’immortalité et de vie éternelle. »

Service biblique évangile et vie, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? psaume 22, Paris: Cerf (Cahier Evangile n° 121 supplément), septembre 2002, p. 30-31 et 40- 41.

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La crucifixion : un événement interprété

L’exégète Bernd Janowski propose une analyse du texte de la crucifixion dans l’évangile selon Marc en soulignant les liens avec la tradition des psaumes de lamentation, en particulier avec la première partie du psaume 22 (versets 1 à 22) et le psaume 69 :

« En résumé : le récit de la crucifixion n’est pas un compte rendu historique, mais correspond dès le départ à un événement interprété. Pour ce faire, l’auteur a fait appel aux psaumes de lamentation, Ps 22 et 69, qu’il reprend thématiquement ou linguistiquement, à l’exception du Ps 22,2a qui est cité dans Mc 15,34a. Ces allusions s’opèrent sur trois niveaux du texte : au niveau du narrateur de l’évangile, qui utilise la langue des psaumes comme la sienne propre (Mc 15,24.29.30s.34b [traduction].36), au niveau du personnage principal du récit (Jésus) qui, comme le narrateur, se sert de la langue des psaumes comme de la sienne et enfin au niveau des personnages secondaires, qui reprennent les psaumes à leur propre compte (Mc 11,9s). L’emploi des psaumes dans le récit de la Passion de Marc est caractérisé par le fait que les textes vétérotestamentaires « ne sont jamais considérés comme des parties de textes, et donc jamais comme des textes provenant d’ailleurs » [Löning, Funktion des Psalters, p. 271]. Ils fonctionnent « toujours comme des éléments qui font partie intégrante du texte proposé par l’auteur Marc » [Löning, Funktion des Psalters, p. 271]. Intégrés dans le texte, ces éléments l’interprètent dans l’horizon des expériences religieuses d’Israël. […]La citation du Ps 22,2 dans le récit de la crucifixion selon Marc devient dans cette perspective un indice herméneutique révélateur. La référence aux psaumes n’est pas le fait du hasard, mais voulue par Marc ou par la tradition qui le précède. Cette référence est la condition-cadre à la formulation de la croyance en la résurrection. Elle montre que la christologie néotestamentaire est principalement une « christologie des psaumes » [Zenger, Buch der Psalmen, p. 326]. L’importance de la spiritualité vétérotestamentaire de la lamentation pour la compréhension chrétienne de la mort et de la résurrection de Jésus prouve que les psaumes de lamentation font partie intégrante de la prière chrétienne. Le temps semble être venu de donner à cette compréhension à nouveau sa valeur (qui n’est point nouvelle) tant en théologie que dans la pratique de l’Eglise ».
Bernd JANOWSKI, Dialogues conflictuels avec Dieu. Une anthropologie des Psaumes, Genève: Labor et Fides (coll. Le monde de la Bible N° 59), 2008, p. 392-393.

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Le silence de Dieu

Lors des conférences du Carême protestant de 1995 Gérard Delteil a parlé de la réception chrétienne du verset 2 du psaume 22 « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Il s’appuie sur le texte de Marc 15,21 à 16,8 et porte un éclairage sur le silence de Dieu. En voici quelques extraits :

« Nous sommes tous aux prises avec l’absence. […] La plainte est là comme un appel qui reste souvent sans réponse.
La foi chrétienne porte en elle la question de l’absence. Une croix est au centre : la mort de l’homme et le silence de Dieu. Comment ce signe, qui était pour les premiers chrétiens la mémoire du malheur, et même de l’infamie, a-t-il pu devenir un emblème d’espérance ? Par quel retournement ?
Dès les origines, la communauté chrétienne rencontre la question de l’absence : Jésus disparu, où le rejoindre ? Celui qu’on a perdu peut-il être rencontré à nouveau aujourd’hui ? Comment l’absent peut-il se rendre présent ? Les évangiles portent la trace de ces questions, et y apportent diverses réponses. […]
Nous ne pouvons pas imaginer le choc que fut la mort de Jésus pour ceux qui l’avaient suivi, et qui avaient espéré que, par lui, le règne de Dieu était en route, allait enfin venir. […] Cette fin signe la mort de leur espérance. Si Jésus était le messie, il ne pouvait pas mourir. Un Messie ne meurt pas. […]
Ce qui frappe d’abord, c’est l’absence de toute idéalisation. La mort de Jésus n’est pas une mort noble, où le héros même vaincu apparaît transfiguré. Ce n’est même pas une mort sereine, pacifiée. La vie de Jésus chez Marc se brise sur un cri d’épouvante, sur l’effroi d’être abandonné par Dieu. C’est une mort tragique. […]
Plus surprenante apparaît la place faite à la dérision. Dans ce récit sobre, laconique presque comme un procès-verbal, les discours de dérision occupent une place étonnante. Il y a là une mise en scène où Jésus cloué en croix est objet de dérision de la part de divers personnages : les soldats, les spectateurs, les grands prêtres et les scribes, les autres suppliciés. Que traduit ce discours de la dérision ? Il oppose à la croix une contre-image, celle d’un messie tout-puissant qui échapperait à la souffrance au lieu de la subir, et dont le triomphe serait justement de s’évader de la croix. […]
Enfin la déréliction, le cri d’abandon de Jésus. Tout au long du récit, Jésus est objet : objet de violence, objet de sarcasmes, objet de spectacle. Soudain, à l’agonie, il redevient sujet. « Il cria d’une voix forte : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Ces mots sont la reprise du Psaume 22, la plainte du juste souffrant. Jésus meurt sur une question. La question la plus humaine, la plus dramatiquement humaine devant la souffrance : pourquoi ? Pourquoi m’as-tu abandonné ? Jésus a-t-il jamais prié ainsi ? C’est comme une déchirure entre lui et son Père : le gouffre de l’absence, pire : de l’abandon.
Luc et Jean écriront autrement la fin. Les derniers mots de Jésus seront d’apaisement ou d’accomplissement. Rien de tel chez Marc. Jésus ne prononce qu’une seule parole sur la croix : ce cri. Comme un appel. Comme un abîme : d’horreur ? d’incompréhension ? de révolte ? Jésus meurt sur une question sans réponse. Et rien. Aucune voix. Aucun signe. Aucun secours d’en-haut. Rien.Le scandale de cette mort reste là, béant. Rien qui vienne l’atténuer. La croix reste ici une énigme. […]
Marc, lui, plus fortement, plus sobrement que tous les autres, me dit l’absence comme la trace d’une présence. Son récit est tissé de silences : le silence de Jésus pendant son procès, sous les outrages des soldats ; son silence sur la croix jusque à l’ultime cri. Le silence de Dieu devant le cri de Jésus. Le silence des femmes au matin de Pâques. Tout se dit entre ces silences, comme quelque chose qui se chuchoterait à mi-voix. […]
Peut-on mieux dire que l’Evangile est le renversement de toutes nos images de Dieu ? Nous associons presque toujours Dieu à quelque pouvoir surnaturel, à quelque pouvoir au-dessus de tous les pouvoirs, qui nous ferait échapper à notre condition humaine. Le rêve religieux de tous les temps, c’est d’échapper à nos limites, à notre finitude, c’est un rêve de toute-puissance.
Mais ici, Dieu se dit dans la faiblesse, non dans la puissance. Dans la nuit, non dans la clarté. Dans la peur et la révolte, non dans l’apaisement. C’est l’absence, qui est trace de la présence. La mort de Jésus exorcise toute image de Dieu qui ne serait pas celle d’un amour allant jusqu’à l’extrême du don. […] »

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La fonction des ennemis

L’exégète Michaela Bauks explique la fonction des ennemis dans le psaume 22. Il ne s’agit pas d’une simple dramatisation de l’histoire mais la mise en évidence du thème principal des lamentations, c’est-à-dire une interrogation sur la relation à Dieu :

« La description des ennemis connaît plusieurs formes stéréotypées, souvent confondues, afin d’intensifier encore la perception de la situation dangereuse dans laquelle se trouve l’orant. Dans le Ps 22, les ennemis sont présentés sous forme métaphorique, souvent comme des bêtes : taureaux (v.13.22), lion (14.22) ; chiens (17.21). Ensemble avec les héritiers (19) et la notion de l’épée (21) les bêtes forment toute une armée d’offenseurs qui ne symbolisent rien d’autre que la dissolution de l’orant en face de la mort, comme elle est décrite au v.15s.
La fonction des ennemis consiste dans le fait de faire apparaître le thème principal des lamentations : c’est le débat intérieur de l’orant qui cherche à se rassurer au sujet de Dieu, pour rassurer sa foi en surmontant une situation de crise. […]
On peut prolonger l’argumentation pour interpréter le Ps 22 en tant que lamentation d’un individu abandonné par Dieu. Les v. 2-22 sont une description de sa détresse personnelle qu’il a projetée sur les différents groupes d’ennemis. Les descriptions sont assez floues, elles ne parlent ni d’attaques ni d’actions concrètes des ennemis. Elles témoignent de leur présence sous des formes multiples. L’hypothèse selon laquelle les ennemis ne seraient qu’une projection de l’orant explique plusieurs moyens stylistiques utilisés dans ce psaume : l’hyperbole concernant le grand nombre d’ennemis, la description de leur inactivité (sauf au v. 19), leur disparition soudaine dans la deuxième partie du psaume ainsi que l’absence de leur punition. »
Michaela BAUKS, « La délivrance de la maladie mortelle selon le psaume 22 », in Représentations des maladies et de la guérison dans la Bible et ses traditions, Actes du colloque 1er et 2 décembre 2000, textes recueillis par Jean-Marie Marconot, Université Paul-Valéry, Recherche Biblique Interdisciplinaire, Université de Montpellier III, p. 38 et 40.

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Les animaux dans la culture et l’iconographie orientales

Les animaux sont souvent utilisés dans l’iconographie orientale. Il s’agit d’une représentation métaphorique des ennemis du psalmiste :

« Dans l’iconographie orientale, les démons et les ennemis prennent souvent la forme d’animaux. Lion, taureau et serpent représentent des forces surnaturelles en symbolisant dans les bons cas des dieux et dans les mauvais cas des démons antagonistes de l’ordre cosmique. Un autre type d’animal sont les chiens qui entourent les villes, et qui sont des vagabonds, qui attendent la chance d’attaquer ceux qui sont bien intégrés dans l’ordre social et cosmique. Une catégorie tout à fait importante dans ce contexte est celle du dehors et du dedans : le temple, la maison, la ville et l’appartenance à un peuple caractérisent le fait d’être dedans. Les ennemis sont très souvent ceux qui sont dehors. Souvent ils prennent la forme des chasseurs, des guerriers qui essaient de vaincre la victime par ruse, par des fossés, des pièges, des filets etc. Ils se servent d’armes peu visibles qui montrent leur sang-froid et leur manque de scrupule. La présentation comme guerriers atroces qui s’enlèvent (qûm), entourent (sbb) et se dressent (shît) sont des métaphores de l’occupation totale qui se terminera par l’extinction de l’orant.
Or, en effet l’autorité de l’ennemi est bien limitée. Les psaumes et autres textes promettent des bénédictions à tous ceux qui sont fidèles et des malédictions à tous ceux qui sont en opposition avec l’ordre divin. Ceux qui suivent l’ordre divin n’ont rien à craindre. Ils seront protégés et sauvés par Dieu des mauvaises actions. »
Michaela BAUKS, « La délivrance de la maladie mortelle selon le psaume 22 », in Représentations des maladies et de la guérison dans la Bible et ses traditions, Actes du colloque 1er et 2 décembre 2000, textes recueillis par Jean-Marie Marconot, Université Paul-Valéry, Recherche Biblique Interdisciplinaire, Université de Montpellier III, p. 31.

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Le lecteur d’aujourd’hui et le psaume 22

Catherine Vialle explique comment le lecteur d’aujourd’hui peut, selon elle, recevoir et s’approprier le psaume 22 :

« Mais le lecteur peut-il partager l’espérance et la louange du psalmiste, quand certains psaumes font avant tout retentir les pleurs et les lamentations ? Oui, et pour trois raisons importantes. D’abord, parce que même dans la plus noire détresse, le psalmiste s’adresse encore à Dieu : sa communion avec Dieu n’est pas rompue, même s’il va jusqu’à accuser Dieu de l’avoir abandonné (par ex. Ps 22,2 : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? J’ai beau rugir, mon salut reste loin »). Le fait d’adresser à Dieu sa plainte témoigne encore, en creux, d’une espérance que le lecteur est invité à faire sienne. Ensuite, le lecteur ne doit pas oublier que chacun des psaumes fait partie de l’ensemble plus vaste du Psautier, ouvrage tout entier orienté vers la louange. Si les psaumes de lamentation sont bien présents, ils ne sont jamais le dernier mot du Psautier. Enfin, les psaumes de lamentations doivent être lus, paradoxalement, comme des témoignages de l’action salutaire de Dieu : le fait que ces mots aient été écrits et que nous puissions les lire témoigne que leur auteur a été sauvé, même si cela n’est pas toujours mentionné explicitement. »
Catherine VIALLE, « Le lecteur implicite et le lecteur réel du psautier » in: Jean-Marie AUWERS, Elena DI PEDE, Dany NOCQUET, Jacques VERMEYLEN, Catherine VIALLE, André WENIN, Psaumes de la Bible, Psaumes d’aujourd’hui, Paris: Cerf/Mediaspaul (coll. Lire la Bible), 2011, p. 104.

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