Protester - Contexte

Au pays de la contestation

Lewis Carroll (de son vrai nom Charles Lutwidge Dodgson, 1832-1898) est issu d’une famille anglaise de 11 enfants, dont le père est pasteur. Il devient écrivain, photographe et mathématicien. Il fait éditer Alice au pays des merveilles en 1865. Réputée pour être une œuvre de littérature enfantine, il s’agit en vérité d’un récit de voyage initiatique qui permet de découvrir le monde et soi-même. C’est l’histoire d’un rêve qui se déroule dans un pays à la fois merveilleux et absurde, peuplé de personnages inquiétants et ambigus. D’où cette protestation permanente du personnage principal. Dans ce pays, Alice passe son temps à chercher de la logique, du bon sens. Elle proteste, s’oppose en affirmant sa conception de l’ordre ou encore de la justice.
Ce personnage illustre particulièrement bien les enjeux de la protestation. Alice est seule dans ce pays merveilleux, ne pouvant se fier qu’à sa raison et sa conscience pour prendre les décisions et oser une parole publique. Parce qu’il s’agit d’une enfant et d’un rêve, le lecteur découvre alors combien cette aventure est source d’apprentissages : apprentissage de la notion de responsabilité, de prise de décision, de la perception qu’on se fait du monde, de soi et des autres, le risque encouru aussi à prononcer une parole publique. A chaque nouvelle étape (si loufoque soit-elle), Alice doit décider seule, en conscience, de l’attitude à adopter. En ce sens, on pourrait dire qu’Alice est un personnage « protestataire », non pas tant parce qu’elle s’oppose, mais parce qu’elle atteste publiquement de ses convictions.

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Une conviction religieuse est-elle nécessairement intolérante ?

Contrairement à quelques idées reçues, la conviction n’est pas forcément l’expression d’une position dominatrice sur le plan spirituel, moral ou intellectuel et la tolérance n’est pas l’indifférence, cette forme de « tolérance usée », cette tolérance molle, qui tolère l’intolérable. On pourrait dire que la tolérance est une forme de respect d’autrui et d’intérêt pour autrui qui ne peut se vivre qu’entre des hommes et des femmes de conviction et de courage. Quant à la conviction, elle est un engagement de toute la personne envers une vérité qu’on ne cesse de chercher, d’interroger et, dans la foi, de recevoir comme un don. Etymologiquement convaincre ce n’est pas « vaincre » contre l’autre, mais « vaincre » avec lui.
Par exemple, dans les dialogues entre différentes religions, les peurs et les haines qui s’enracinent dans l’ignorance de l’autre peuvent se déconstruire. Dans un contexte économique et social qui exacerbe les différences culturelles et les transforme en occasion d’affrontements, ces dialogues peuvent aider la société tout entière à « passer de la peur de l’autre à la peur pour l’autre » (Olivier Mongin, écrivain). Il appartient notamment aux religions de puiser dans leurs propres traditions les ressources dont elles sont porteuses pour lutter contre toutes les formes d’intolérance, de fanatisme, de violence, d’exclusion et permettre de construire la paix dans la justice, deux réalités qui, pour la Bible, sont inséparables.

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Qu'est-ce qu'un protestant ? Un témoin ?

Le témoignage est une manière de transmettre quelque chose à quelqu’un. Dans sa grande diversité, le protestantisme conçoit de différentes manières le témoignage. Le témoin peut parler d’une expérience avec Dieu qui lui est propre, transmettre la connaissance de la Bible, transmettre des valeurs ou une doctrine théologique. Son rôle est donc important car on ne saurait rien de Dieu si des hommes et des femmes n’en avaient pas parlé ! Mais le témoin mesure également les limites de sa tâche. Il réalise qu’il peut certes parler de Dieu aux hommes, mais qu’il est incapable de faire naître en eux la foi. L’essentiel lui échappe. Le témoin doit s’effacer à un moment donné pour rendre possible la rencontre entre l’être humain et Dieu. Sinon, il devient obstacle. Le témoin peut « attester », « protester », « affirmer » devant l’autre où et comment il a rencontré le Christ, mais l’autre doit faire l’expérience lui-même. Ainsi les protestants ne sont pas maîtres du message qui leur est confié, ni de sa transmission, ni de ses résultats. L’essentiel de la transmission peut se produire quand ils ne l’attendent pas, quand ils ont le sentiment d’être démunis ou inefficaces, quand ils pensent n’avoir rien fait. C’est « l’instant de grâce » qui est, à bien des égards, inexplicable et non maîtrisable. Ainsi on peut avoir regardé des centaines de fois une œuvre d’art, entendu des centaines de fois un morceau de musique, et, puis soudain, on y découvre quelque chose qui suscite une émotion et une joie inattendues. De même on peut avoir lu de multiples fois un texte de la Bible, on peut avoir entendu de nombreuses prédications sur ce texte, et puis un jour la parole du prédicateur rejoint l’auditeur au plus intime de lui-même et ouvre à la rencontre avec le Christ.

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