Vieillir - Culture

L'art d'être grand-père

A partir du 19e siècle, la famille s’appuie sur un modèle de vie de type bourgeois qui réorganise les relations à l’intérieur même de la famille. L’assignation de la femme à un certain rôle, la place de l’enfant comme celle du père de famille fonctionnent encore largement aujourd’hui selon ce modèle. Parmi ces nouvelles attributions des rôles familiaux, il y a celle des grands-parents désignés ainsi depuis le 19e siècle. Comme le nom l’indique, ils jouent le rôle de  » grands  »  » parents « , c’est-à-dire que leur fonction est définie par rapport à leurs  » petits  » enfants dont ils ne portent pas la responsabilité de l’éducation, mais de celle de l’ouverture, de l’apprentissage  » plus grand  » encore que celui imputé aux parents.
Parmi les défenseurs de ce statut devenu incontournable aujourd’hui, Victor Hugo s’impose. Extrêmement investi auprès de ses petits enfants, il va jusqu’à écrire L’art d’être grand-père qui pose les fondements d’une vision idéale des grands-parents. Jeanne est l’un de ses petits enfants, ce jour-là, elle est punie :
Victor Hugo, L’art d’être grand-père, chapitre VI, Paris : Gallimard, 2002.
 » Jeanne était au pain sec dans le cabinet noir,
Pour un crime quelconque, et, manquant au devoir,
J’allai voir la proscrite en pleine forfaiture,
Et lui glissai dans l’ombre un pot de confiture
Contraire aux lois. Tous ceux sur qui, dans ma cité,
Repose le salut de la société
S’indignèrent, et Jeanne a dit d’une voix douce :
– Je ne toucherai plus mon nez avec mon pouce ;
Je ne me ferai plus griffer par le minet.
Mais on s’est récrié : – Cette enfant vous connaît;
Elle sait à quel point vous êtes faible et lâche.
Elle vous voit toujours rire quand on se fâche.
Pas de gouvernement possible. A chaque instant
L’ordre est troublé par vous ; le pouvoir se détend ;
Plus de règle. L’enfant n’a plus rien qui l’arrête.
Vous démolissez tout. – Et j’ai baissé la tête,
Et j’ai dit : – Je n’ai rien à répondre à cela,
J’ai tort. Oui, c’est avec ces indulgences-là
Qu’on a toujours conduit les peuples à leur perte.
Qu’on me mette au pain sec. – Vous le méritez, certes,
On vous y mettra. – Jeanne alors, dans son coin noir,
M’a dit tout bas, levant ses yeux si beaux à voir,
Pleins de l’autorité des douces créatures :
– Eh bien moi, je t’irai porter des confitures. « 

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" Se souvenir des belles choses "

Ce film de Zabou Breitman est sorti en 2002 et les rôles principaux sont interprétés par Isabelle Carré et Bernard Campan. Il raconte l’histoire de deux personnes pris au piège de leur mémoire défaillante.
Claire, une jeune femme, est placée dans un centre pour amnésiques : elle présente de légers troubles de la mémoire. Quelques années auparavant sa mère y est décédée jeune de la maladie d’Alzheimer. L’univers curieux et décalé de cette institution interroge la prise en charge des malades.
Philippe, quarante ans, a perdu totalement la mémoire à la suite d’un accident de voiture qui a coûté la vie à sa femme et son fils. Tous deux tombent amoureux l’un de l’autre. La mémoire est l’objet de toutes les attentions : on court après elle, on saisit des instants furtifs où elle réapparaît et avec elle des événements douloureux. Les personnages courent après leur propre histoire, tentent de la maintenir  » hors-oubli  » pour en préserver le sens.

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Rousseau dans sa vieillesse

Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) fait partie de ces grands philosophes pour qui la vie doit avoir un sens et un projet. Rousseau aborde la vieillesse avec beaucoup de sagesse : sans doute ne peut-il plus espérer pouvoir changer du tout au tout ce qu’il est, mais il peut tenter de se réconcilier avec lui-même, les autres et le monde. Quelques mois avant sa mort, il évoque Solon (philosophe grec, vers 640-558 avant J.-C.) qui écrivait  » Je deviens vieux en apprenant toujours « .

Rousseau, Jean-Jacques, Les rêveries du promeneur solitaire,  » Troisième promenade « , in œuvres, t.I, (La Pléiade), Paris : Gallimard, p. 1023 :
 » Je n’ai pas, comme Solon, le bonheur de pouvoir m’instruire chaque jour en vieillissant, et je dois même me garantir du dangereux orgueil de vouloir apprendre ce que je suis désormais hors d’état de bien savoir ; mais s’il me reste peu d’acquisitions à espérer du côté des lumières utiles, il m’en reste de bien importantes à faire du côté des vertus nécessaires à mon état. C’est là, poursuit-il, qu’il serait temps d’enrichir et d’orner mon âme d’un acquis qu’elle pût emporter avec elle, lorsque, délivrée de ce corps qui l’offusque et l’aveugle, et voyant la vérité sans voile, elle apercevra la misère de toutes ces connaissances dont nos faux savants sont si vains. Elle gémira des moments perdus en cette vie à les vouloir acquérir. Mais la patience, la douceur, la résignation, l’intégrité, la justice impartiale sont un bien qu’on emporte avec soi, et dont on peut s’enrichir sans cesse, sans craindre que la mort même nous en fasse perdre le prix. C’est à cette unique et utile étude que je consacre le reste de ma vieillesse. Heureux si par mes progrès sur moi-même j’apprends à sortir de la vie, non meilleur, car cela n’est pas possible, mais plus vertueux que je n’y suis entré. « 

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