Bien des manières de vivre la différence - Aller plus loin

Une complémentarité nécessaire

Dans une conférence donnée au cours du rassemblement annuel des protestants au Musée du Désert, André Gounelle, théologien réformé, insiste sur la complémentarité entre catholiques et protestants.
 » Le dialogue ne doit pas viser à faire disparaître l’une des attitudes au profit de l’autre. Il n’y a pas à choisir entre elles, mais à apprendre à les articuler, à les mettre en tension. Elles ont toutes deux leur légitimité, leur bien fondé. L’une insiste sur l’incarnation, l’autre sur la transcendance. Or, la dialectique de la proximité et de l’altérité de Dieu structure la foi biblique. Il ne faut pas voir dans l’opposition entre ces deux pôles un mal. Si elle disparaissait, on tomberait soit dans une religiosité superstitieuse et fanatique soit dans une spiritualité sans substance ni contenu. Plutôt que de chercher à supprimer la divergence entre la tendance sacramentelle et sacerdotale d’une part, l’attitude prophétique et iconoclaste d’autre part, qui tirent chacune dans un sens différent, il importe, au contraire, de l’entretenir, et de la développer de manière dynamique et créatrice. « 

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Hiérarchie des vérités

Le Directoire pour l’application des principes et des normes sur l’œcuménisme (publié en 1993) précise ce que l’Eglise catholique entend par  » hiérarchie des vérités  » :  » Il faut, en outre, que soit toujours respectée la  » hiérarchie des vérités  » de la doctrine catholique, lesquelles vérités, bien qu’elles exigent toutes l’assentiment de foi qui leur est dû, n’ont pas pour autant toutes la même place centrale dans le mystère révélé en Jésus-Christ, parce qu’elles sont différemment liées à ce qui est le fondement de la foi chrétienne  » (article 75)

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Nos différences doivent être transformées

 » Pour nos relations entre Eglise catholique romaine, Eglises orthodoxes et Eglises nées de la Réforme du 16e siècle, la difficulté vient du fait que les différences qui ont existé entre nous, ont été jugées par nos pères comme étant des différences séparatrices d’où la division de nos familles confessionnelles. Les confessions de foi de mon Eglise luthérienne, sur la base desquelles j’ai été ordonné pasteur, comprennent un certain nombre de « damnatus » (nous condamnons). Et nous condamnons les catholiques romains, les réformés zwingliens et calvinistes, les anabaptistes et d’autres. Ce procédé peut vous paraître intolérable, mais c’est là le chemin qui a été suivi par chacune de nos traditions et dont nous sommes les héritiers. L’enjeu de l’engagement œcuménique est la transformation de la différence : la différence séparatrice d’Eglise doit devenir, si cela est possible, différence légitime donc expression de la richesse de nos diversités. Il ne s’agit pas de supprimer nos différences, mais d’en changer la nature. Il y a transformation, il y a nécessairement transformation. La situation actuelle où il subsiste entre nous des différences séparatrices est inacceptable. Nous ne saurions réaliser l’unité en préservant le statu quo et les différences dans l’état. Nos différences doivent être transformées afin qu’elles perdent leur caractère séparateur. Le « oui » à la différence ne saurait être un oui résigné, acceptant finalement une coexistence pacifique, mais séparée des Eglises et des confessions. Notre oui veut être l’expression d’une découverte spirituelle vivifiante, stimulante et libératrice où je peux reconnaître la foi de l’autre et de sa tradition ecclésiale comme étant une expression légitime de la même foi chrétienne même si cette expression est différente de la manière dont moi-même je confesse cette même foi.  » (André Birmelé Unité et différence in : Consensus œcuménique et différence fondamentale Paris Le centurion 1987 p. 31s)

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La levée des condamnations réciproques

Un des premiers chantiers du mouvement œcuménique est de lever ces condamnations réciproques. En voici quelques exemples :

  • Le décret de Vatican II sur l’œcuménisme Le décret de Vatican II sur l’œcuménisme a ainsi souligné tous les efforts nécessaires  » pour éliminer les paroles, les jugements et les actes qui ne correspondent ni en justice ni en vérité à la situation de nos frères séparés et qui, à cause de cela, rendent plus difficiles les relations avec eux  » (Unitatis redintegratio, n° 4). Dès 1963, Paul VI avait déclaré :  » Si, dans les causes de cette séparation, une faute pouvait nous être imputée, nous en demandons humblement pardon à Dieu et nous sollicitons aussi le pardon des frères qui se sentiraient offensés par nous. Et nous sommes prêts, en ce qui nous concerne, à pardonner les offenses dont l’Eglise catholique a été l’objet et à oublier les douleurs qu’elle a éprouvées dans la longue série des dissensions et des séparations  » (Paul VI, « Discours d’ouverture de la 2e session du Concile », in DC, n° 1410, 1963, col. 1355). A ce titre, un des gestes les plus signifiants fut le baiser de réconciliation du pape Paul VI et du patriarche Athénagoras en Terre Sainte en 1964. Les deux hommes procédèrent à la levée mutuelle d’excommunications millénaires.

  • Entre luthériens et réformés Le dialogue entre luthériens et réformés en Europe a permis la rédaction de la Concorde de Leuenberg en 1972. Des controverses au XVIème sur la doctrine de la cène, la christologie et la doctrine de la prédestination avaient divisé ces Églises. Les condamnations réciproques qui en résultaient sont levées par la Concorde de Leuenberg qui déclare la communion ecclésiale entre Eglises luthériennes et réformées.

  • Entre luthériens et mennonites Le dialogue entre les luthériens (de l’Eglise de la Confession d’Augsbourg en Alsace et en Lorraine) et les Mennonites français a abouti à une demande de pardon :  » Nous, membres luthériens du groupe, […] considérons la persécution des anabaptistes au XVIe siècle, et même au-delà, comme une faute qui nous sépare de ces frères, et pour laquelle nous sollicitons leur pardon « .  » Nous, membres mennonites du groupe, héritiers du mouvement anabaptiste de tradition bibliciste et pacifique, sommes reconnaissants pour les affirmations précédentes, qui regrettent les persécutions du passé. Le pardon sollicité est fraternellement accordé. Puisse-t-il permettre que ce drame de l’histoire, et ses conséquences, soient définitivement surmontés  » (in Birmelé, André, Terme, Jacques, Accords et dialogues œcuméniques, Paris, Les Bergers et les Mages, 1995, p. VII-13).

  • Entre catholiques et luthériens Au terme d’une longue étude sur la doctrine de la justification, catholiques et luthériens au plan mondial ont pu eux aussi mettre un terme aux condamnations réciproques. Après avoir exprimé leur consensus sur la justification, ils déclarent ensemble :  » l’enseignement des Eglises luthériennes présenté dans cette déclaration n’est plus concerné par les condamnations du Concile de Trente. Les condamnations des confessions de foi luthériennes (écrits symboliques) ne concernent plus l’enseignement de l’Eglise catholique romaine présenté dans cette déclaration  » (Déclaration commune sur la doctrine de la justification, n° 41)

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