Christologie - Aller plus loin

Le Dieu de Jésus et le Dieu de Paul

ZUMSTEIN, Jean, « La croix comme principe de constitution », in : Paul, une théologie en construction, DETTWILLER, Andreas (dir), Genève : Labor et Fides, 2004, p 317 :

« Jésus et Paul sont également unis dans une même conception de la personne de Dieu, et ceci d’un triple point de vue. Tout d’abord, pour Jésus comme pour Paul, Dieu est le créateur et le Dieu de l’Alliance. Dieu a fait alliance avec son peuple, il lui a donné la Loi pour lui offrir l’espace d’une relation authentique avec lui. Mais – et c’est le second point – pour Jésus comme pour Paul, le Dieu de l’Alliance n’est ni reconnu ni confessé. Il est rejeté ou instrumentalisé. Le péché, c’est-à-dire la méconnaissance de Dieu et la rupture qui en découle, est universel. Dès lors – et c’est le troisième point d’accord-, pour Jésus comme pour Paul, Dieu vient pour le jugement, mais ce jugement prend une forme éminemment surprenante. La bonne nouvelle qui est au centre du message de Jésus consiste à proclamer que Dieu ne vient pas pour anéantir le monde révolté, mais pour lui ouvrir un nouvel avenir. Sa sanction ne consiste pas dans le rejet des pécheurs, mais dans leur accueil inconditionnel. Semblablement, Paul, alors même qu’il reste muet sur la prédication du Jésus terrestre, propage le même message, mais en recourant à une autre terminologie. Dieu manifeste sa justice, c’est-à-dire sa fidélité à lui-même et à l’Alliance, en déclarant le pécheur juste, par pure grâce et indépendamment de ses œuvres. La croix et la résurrection sont l’espace où éclate la grâce de Dieu. Ainsi, ce que Jésus dit dans sa proclamation du Règne qui vient, Paul le reprend dans son annonce de l’Evangile de la justice de Dieu ou dans sa théologie de la croix. Tous deux s’accordent pour discerner en Dieu à la fois celui qui dit un non résolu à l’errance humaine et à ses conséquences catastrophiques, et un oui inconditionnel à chaque existence humaine, où qu’elle se trouve et indépendamment de ses qualités et prestations. »

Revenir à la page précédente
Croire, foi, fidélité

CUVILLIER, Elian, « Les lettres de Paul », in: DEBERGE, Pierre et NIEUVIARTS, Jacques (éd.), Guide de lecture du Nouveau Testament, Paris : Bayard, 2004, p 433 :

« C’est en Ga [Lettre aux Galates] et Rm [Lettre aux Romains] que la notion de foi prend un contenu plus spécifiquement paulinien :
– Ga 2,16a : « L’homme n’est pas justifié par les œuvres de la loi mais seulement par la foi de Jésus-Christ ». Ceux qui croient sont descendants d’Abraham, le premier des croyants (Ga 3,6-14 cf. v.6). En Ga 3,22, Paul reprend 2,16 : le croyant est justifié par la foi de Christ (cf. déjà Ga 2,20 et Ph 3,9). Cette expression propre à Paul définit la foi comme un mouvement qui va de Dieu vers l’homme en Christ (c’est par la foi de Christ – à comprendre comme fidélité et obéissance à la volonté de Dieu, cf. Ph 2,8 – que le croyant est justifié) et de l’homme vers Dieu en Christ (la foi comme rencontre de l’homme avec la grâce de Dieu manifestée dans le Christ). Ainsi comprise la foi est, dans l’acte même de la rencontre, union avec le Christ. Ce double mouvement qui va de Dieu vers l’homme et de l’homme vers Dieu en Christ est perceptible dans ces formulations caractéristiques de Paul : « Justifiés par la foi de Jésus, nous avons cru » ; 3,22 : « par la foi de Jésus, la promesse fut accomplie pour les croyants« , et déjà Ph 3,9 : « justice par la foi de Christ… qui s’appuie sur la foi« , cf. aussi Rm 3,22). On peut parler ici de la foi comme d’une rencontre.
– En Rm, cette rencontre de la foi se dit avec le vocabulaire de l’obéissance (1,5 ; 16,26). Le terme exprime chez Paul l’attitude de l’homme qui découvre, dans la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, la manifestation de la justice de Dieu (Rm 1,16-17). Cette justice a été manifestée « par la foi de Jésus-Christ, pour tous ceux qui croient » (Rm 3,22 ; cf. aussi Rm 5,1-2). Circoncis et incirconcis sont justifiés par la foi (3,30) : la loi et la circoncision n’établissent plus le privilège du Juif sur le païen (cf. l’exemple d’Abraham : Rm 4,1-21 spécialement v.10-12). »

Revenir à la page précédente
L'incarnation de Dieu

VOUGA, François, Une théologie du Nouveau Testament, Genève: Labor et Fides, 2001, p 272 :

« Si Jésus est ressuscité et si le Crucifié est apparu comme le Fils de Dieu, c’est bien qu’il était l’élu de Dieu, le Messie, ou la parole de Dieu elle-même. On doit présupposer ou bien que Dieu l’a adopté au début de son ministère ou bien que Dieu l’a élevé comme Seigneur à la suite de sa mort, comme le suggère la tradition citée par Paul en Rm 1,3-4, ou bien que l’Envoyé de Dieu, Dieu lui-même, est devenu chair dans la personne historique de Jésus de Nazareth, a été mis à mort ou a fait don de sa vie sur la croix. Cette dernière conception est visiblement défendue, dans des langages différents, aussi bien par Paul, qui affirme que Jésus ne connaissait pas le péché (2 Co 5,21, cf. Rm 8,3) que par les quatre évangiles. C’est toutefois dans l’évangile de Jean qu’elle trouve son expression la plus claire. Si le message de l’incarnation de la parole de Dieu dans la personne de Jésus est l’implication de la proclamation pascale, dans la mesure où le retour auprès du Père du Fils descendu du ciel présuppose son envoi dans le monde, le paradoxe de l’incarnation, selon lequel Dieu s’est fait chair (Jean 1,14) est l’équivalent du paradoxe de la « croix », selon lequel Dieu s’est révélé dans la personne d’un crucifié (Paul et évangile de Marc). »

Revenir à la page précédente