Nicodème - Aller plus loin

La trajectoire johannique

Jean ZUMSTEIN, « Pluralité et autorité des écrits néotestamentaires », in: Miettes exégétiques, Genève: Labor et Fides, 1991, p395.

« Dans le panorama néotestamentaire, le monde johannique frappe par sa singularité. Nous voici aussi éloigné de la trajectoire paulinienne que du concert synoptique. Ce particularisme n’est pas un phénomène tardif. Les traditions qui précèdent le quatrième évangile et qui en constitueront la matière, s’imposent déjà par leur originalité. Excepté la guérison du fils de l’officier royal (Jean 4,43-54), la multiplication des pains (Jean 6,1-15) et la marche sur la mer (Jean 6,16-21), les récits de miracles johanniques, considérés maintenant comme des « signes », forment un univers à part. Semblablement les grands discours d’auto-révélation du Christ johannique, même s’ils monnayent toute une série de logia connus sous une autre forme par les synoptiques, n’ont pas d’équivalent dans le Nouveau Testament. Enfin, le récit de la Passion et le cycle pascal, en dépit de certaines accointances avec le texte de Luc, suivent leur propre chemin.De cette efflorescence traditionnelle, qui atteste un milieu de production fécond, va naître un évangile fort différent des trois premiers : tandis que sa trame narrative se raréfie, il est résolument attaché à célébrer et à confesser dans la lumière de Pâques et selon le témooignage du Paraclet celui qui est désormais le Seigneur.Pour la première fois naît une œuvre qui a conscience d’être un livre. La conclusion est en effet libellée en ces termes : « Jésus a donc fait devant les disciples beaucoup d’autres signes qui ne se trouvent pas écrits dans ce livre. Ceux-là ont été écrits pour que vous croyez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie par son nom » (Jean 20,30-31). La rédaction johannique témoigne ainsi d’un nouveau degré de conscience : l’évangile se veut et se sait une Ecriture dont la fonction est d’appeler à la foi et, ce faisant, de donner la vie. Désormais, le destin de la communauté des croyants est lié à un livre par la lecture duquel advient le Christ. » .

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Le projet théologique de l’évangile selon Jean

Jean ZUMSTEIN, « Visages de la communauté johannique », in: Miettes exégétiques, Genève: Labor et Fides, 1991, pp. 291-293:

« Il convient tout d’abord de rappeler la visée rhétorique de l’évangile. La thèse historique que nous avons posée –les destinataires sont les chrétiens johanniques exclus de la synagogue– implique que l’écrit n’est pas missionnaire, mais qu’il est destiné au cercle des croyants. Ce jugement est soutenu par les moyens rhétoriques qui sont mis en œuvre par le texte. Le langage symbolique avec ses doubles sens, ses allusions et ses renvois n’est accessible qu’à un public d’initiés. Semblablement l’ironie qui traverse le récit suppose une connivence entre l’auteur et ses destinataires. Adressé à des croyants, l’évangile l’est pour les appeler à croire, comme le souligne la conclusion de Jean 20,30-31. Le paradoxe n’est qu’apparent : toute la construction de l’évangile est articulée autour de ce croire ou de ce « mieux croire ».

Si le quatrième évangile est la médiation d’une structuration de la foi, l’instrument permettant de passer d’une foi insuffisante à une foi accomplie (…) quel est l’objet de cette structuration, de cet approfondissement ? La conclusion de Jean 20,30-31 montre clairement qu’il y va de l’identité christologique. La recherche récente, qui a abondamment mis en exergue la « haute christologie » dans le quatrième évangile par opposition à la « basse christologie », a certainement vu juste à condition de ne pas immédiatement voir dans la haute christologie un aboutissement historique.

Cette haute christologie est formulée de façon programmatique dans le prologue où s’annonce le point de vue du narrateur sur la narration : dans le Christ méconnu, refusé et rejeté par le monde, il s’agit de discerner le logos pré-existant, médiateur de la création, source de toute grâce et exclusive narration de Dieu. La connaissance de cette pleine identité christologique est évidemment porteuse de la « vie éternelle » au sens johannique.

L’organisation du récit, qui n’est pas d’abord dramatique (la courbe dramatique est faible dans l’évangile) mais thématique, soutient la thèse posée. Les récits de la première partie de l’évangile [chapitres 1 à 12] s’efforcent toujours de saisir le lecteur à un premier niveau d’affirmation pour l’emporter vers la pleine connaissance du Révélateur. Et l’on pourrait même ajouter que dans ces parcours de foi sans cesse repris se produit un processus de gradation, particulièrement perceptible dans l’enchaînement des signes johanniques [les 7 signes opérés par Jésus et rapportés dans l’évangile]. La deuxième partie de l’évangile qui figure la révélation de Jésus devant les siens ajoute une nouvelle dimension à cette élucidation de la pertinence de la foi en abordant la question post-pascale par excellence : comment celui qui part nous est-il rendu ? Comment l’absent est-il présent ?

Les malentendus et les séquences ironiques qui ponctuent le récit sont là pour orienter le lecteur, pour lui faire prendre distance par rapport au déroulement de l’intrigue et l’instruire du sens des évènements et des paroles qui sont en train d’être portés au langage. (…) [Ces] deux procédés (…) sont investis pour dire l’identité du Christ (la plupart des malentendus portent sur la mort, la résurrection et la glorification du Fils tandis que la plupart des passages ironiques concernent l’origine, l’identité, la pratique et la passion de Jésus). Enfin, toujours d’un point de vue narratologique, rappelons que les personnages de l’évangile sont autant d’expressions de l’éventail des réponses possibles face à Jésus et, à ce titre, des postes ouverts au lecteur dans le déroulement du récit. »

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Nicodème, le niais

Le nom de « nicodème » a été employé jusqu’au début du XXème siècle pour désigner un personnage niais en référence au dialogue de Nicodème et Jésus dans l’évangile selon Jean.

Article du Trésor de la Langue Française, en ligne:NICODÈME, subst. masc.Fam. Homme simple et niais. Je suis allé aux Tuileries, où j’ai trouvé ce nicodème de Wagner (STENDHAL, Journal, 1805, p.34). Si les Nicodèmes qui le font filer n’étaient pas aussi bêtes que canailles, ils auraient depuis longtemps la clef de cet ineffable mystère (CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p.359).Prononc. et Orth.: []. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1662 ce pauvre Nicodeme (RICHER, Ovide bouffon, 172 ds BRUNOT t.4, p.490); 1690 un Nicodème (REGNARD, Filles errantes, I, 10, ibid.). De Nicodème (gr. ) nom d’un pharisien qui alla consulter de nuit le Christ pour lui poser certaines questions naïves; il fut représenté en 1458, dans le Mystère de la Passion d’Arnoul Gréban (cf. éd. G. Paris et G. Raynaud, seconde journée, pp.150-151) comme un personnage borné, d’où le sens de «simple d’esprit; un peu niais», v. aussi nigaud, nicaise, niquedouille.

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