La vocation de Paul - Contexte

Eléments biographiques sur Paul

Seuls quelques éléments d’autobiographie dans les lettres de Paul permettent de reconstituer sa vie. Les données postérieures à sa mort s’attachent surtout à décrire la vie d’un saint martyr. Il est né entre 6 et 10 après JC à Tarse en Cilicie (actuellement Tarsus çay en Turquie) dans la diaspora juive Ce terme désigne la dispersion des juifs hors de la Judée, sous l’effet des famines, guerres, exils, pratiques commerciales.*. Citoyens romains, ses parents faisaient partie de la petite élite de cette ville, élite qui bénéficiait de droits et de privilèges accordés par l’administration romaine. Il a reçu une éducation auprès des maîtres pharisiens, peut-être à Jérusalem auprès de Gamaliel. L’étude de ses lettres montre qu’il possède aussi l’art de l’argumentation : la rhétorique gréco-romaine. Il a donc reçu une éducation dans une école philosophique grecque. Sa conversion se situe entre 32 et 34 après JC et, jusqu’à sa mort à Rome, sans doute entre 64 et 66, il parcourt le monde méditerranéen pour annoncer l’Evangile.

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Les lettres de Paul

Sur les 27 livres qui composent le Nouveau Testament, 13 sont des lettres – ou épîtres – qui se présentent comme écrites par l’apôtre Paul. Dans le Nouveau Testament, elles sont classées par ordre décroissant de taille, et non par date de rédaction. Il est donc nécessaire de tenter d’en reconstituer la chronologie. Aujourd’hui les exégètes s’accordent pour reconnaître que seules 7 lettres ont été écrites par l’apôtre lui-même : 1 Thessaloniciens, 1 et 2 Corinthiens, Galates, Philippiens, Romains et Philémon, placées ici dans l’ordre chronologique probable de leur rédaction. La théologie de Paul doit être étudiée prioritairement à partir d’elles. Les lettres aux Éphésiens et aux Colossiens, la seconde aux Thessaloniciens et les lettres dites Pastorales (1 et 2 Timothée et Tite) sont attribuées à une tradition paulinienne. Elles sont les témoins de la première réception de la pensée de Paul et de l’évolution de la tradition paulinienne.

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Une chronologie des lettres de Paul

Il est impossible de dater précisément les lettres de Paul. On peut tenter d’en reconstituer une chronologie en les situant par rapport aux événements de la vie de Paul. Pour cela on fait des recoupements à partir des éléments biographiques que l’on trouve dans ses lettres et éventuellement dans le livre des Actes des Apôtres L'auteur de ce livre est l'évangéliste Luc, rédacteur du 3e évangile (Evangile de Luc). Luc y raconte la vie des premières communautés chrétiennes, après la mort et la résurrection de Jésus, pour fortifier dans leur foi les communautés nées de la proclamation de l'Evangile aux nations païennes.*. Il y a donc des divergences dans les tentatives de reconstitution d’une chronologie paulinienne qui relèvent plutôt du débat théologique que de questions historiques. Il y a accord pour reconnaître que la première épître aux Thessaloniciens est la plus ancienne, datée entre 50 et 52, compte tenu de la théologie qui s’y exprime. Cette question de la datation sera abordée dans le déroulement du module.

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Les apôtres dans le Nouveau Testament

Dans les lettres dont il est le seul signataire, Paul se présente toujours comme « apôtre ». En grec, ce nom commun signifie « messager ». Paul l’utilise pour désigner des prédicateurs itinérants ou des messagers de la communauté (1Corinthiens 9,5 ; Romains 16,7), ou plus spécifiquement pour qualifier les missionnaires « envoyés par le Christ » (1 Thessaloniciens 2,7). Comme dans le texte proposé, en plusieurs autres endroits, Paul réserve le terme d’apôtre à ceux qui ont vu le Ressuscité. Seule son expérience personnelle de rencontre avec le Christ l’autorise à se désigner comme « apôtre ».

Cette conception paulinienne de l’apôtre va s’imposer au tout début du christianisme. Ainsi dans l’évangile de Luc les douze sont appelés « apôtres » par Jésus (Luc 6,13). Leur fonction d’envoyés, de missionnaires, devient leur titre. Dans le livre des Actes des Apôtres, cette fonction s’estompe pour laisser place à une fonction de garantie de continuité dans l’histoire de l’expansion du christianisme.

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Les titres de Jésus

Quand Paul parle de Jésus, il associe toujours un titre à son nom : Christ ou Seigneur, sauf exceptionnellement quand il parle du Jésus terrestre (par exemple 1 Thessaloniciens 4,14). « Christ », est la traduction en grec de Messie Terme qui vient de l'hébreu et qui a le même sens que celui venant du grec "Christ" ou celui venant du latin "Oint". C'est le nom donné à celui qui a reçu l'onction ; la plupart du temps, c'est le roi d'Israël ou de Juda ; mais cela peut aussi désigner quelqu'un qui est considéré comme ayant reçu une mission de Dieu.*. Paul utilise aussi très souvent « Christ » tout seul pour désigner Jésus Christ, transformant ce titre en nom propre.

Le titre « Seigneur » est associé soit à Jésus, Jésus Christ ou employé seul. Ce titre est sans doute celui qui est le moins évocateur aujourd’hui. Il s’agit de la traduction des mots hébreu et grec signifiant « maître » et qui désignent une personne ayant du pouvoir sur d’autres, comme le seigneur dans le régime féodal. Mais dans la Bible ce titre revêt un sens particulier puisqu’il désigne Dieu. En hébreu, le nom de Dieu révélé à Moïse, le tétragramme C'est par les quatre consonnes appelées "tétragramme" (quatre lettres) YHWH que le Dieu d'Israël est désigné (on trouve aussi YHVH ou IHVH selon les auteurs). Aux quatre consonnes on a ajouté les voyelles du mot hébreu adonaï (mon Maître, mon Seigneur).* YHWH, ne se prononce pas. A la place, on dit adonaï c’est-à-dire Seigneur. La traduction grecque de la Bible hébraïque a traduit le tétragramme par kurios, en français : Seigneur. Dire que Jésus est le Seigneur, c’est reconnaître que Dieu lui-même est présent en lui. Paul utilise aussi l’expression Fils de Dieu, qui marque le lien de Jésus avec Dieu, son Père.

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Des paroles inexprimables

Dans d’autres lettres Paul décrit avec plus de détail ce qu’il appelle « révélation ». Dans la 1ère lettre aux Corinthiens, il parle de « vision », disant simplement « avoir vu Jésus notre Seigneur » sans faire état de paroles qu’il aurait entendues lors de cet événement décisif de rencontre avec le Christ :

1Corinthiens 9,1 « N’ai-je pas vu Jésus, notre Seigneur? ».Dans la 2ème lettre aux Corinthiens, il fait part d’une expérience extatique accompagnée de paroles :
2Corinthiens 12,1-7 J’en viendrai aux visions et révélations du Seigneur. Je connais un homme en Christ qui, voici quatorze ans – était-ce dans son corps? je ne sais, était-ce hors de son corps? je ne sais, Dieu le sait – cet homme-là fut enlevé jusqu’au troisième ciel. Et je sais que cet homme – était-ce dans son corps? était-ce sans son corps? je ne sais, Dieu le sait, cet homme fut enlevé jusqu’au paradis et entendit des paroles inexprimables qu’il n’est pas permis à l’homme de redire.Ce genre d’expérience est semblable à celles décrites dans les livres des prophètes, Ezéchiel par exemple, à une différence près : les paroles entendues par Paul sont « inexprimables » alors que la vocation du prophète consiste précisément à rapporter les paroles entendues. De même dans le livre de l’Apocalypse Ce livre est attribué par la tradition à Jean, l'évangéliste, car l'auteur se présente avec le nom de Jean. Le texte a probablement été écrit autour de l'an 95 après JC.* (mot qui signifie « révélation »), Jean doit écrire dans un livre, transcrire, tout ce qu’il voit et entend dans ses visions :
Apocalypse 1,17-19 A sa vue, je tombai comme mort à ses pieds, mais il posa sur moi sa droite et dit: Ne crains pas, Je suis le Premier et le Dernier, et le Vivant; je fus mort, et voici, je suis vivant pour les siècles des siècles, et je tiens les clés de la mort et de l’Hadès. Ecris donc ce que tu as vu, ce qui est et ce qui doit arriver ensuite.

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La vocation de Paul dans les Actes des Apôtres

Luc rapporte la vocation de Paul dans un récit au chapitre 9 du livre des Actes des Apôtres. Il donne un cadre géographique précis à cet événement : sur la route de Damas. Il indique le motif du voyage de Paul : pourchasser les chrétiens sous l’autorité du Grand Prêtre. Luc dessine le portrait de Paul comme il se définit lui-même dans sa lettre aux Galates, mais en forçant le trait, ce qui permet de mieux faire ressortir la radicalité du changement. L’événement de la révélation est décrit comme une théophanie Le mot comme tel ne fait pas partie du vocabulaire biblique. Il désigne littéralement une apparition de Dieu (de theo, dieu et phaineo, apparaitre).* et reprend des éléments traditionnels des récits de vocation. Il y a une lumière aveuglante, une chute et une voix qui parle. Seul Paul vit cet événement. Les témoins ne peuvent qu’en constater les traces : un homme à terre qui se relève aveugle, qu’il faut guider jusqu’à Damas, où il reste trois jours sans manger ni boire. Là où Paul parle d’une décision qui suit immédiatement la révélation, Luc introduit un temps symbolique de mort et un intermédiaire, Ananias. Ce dispositif rappelle deux autres récits de conversion que Luc raconte dans le même livre des Actes. L’apparition d’Ananias ne contredit pas complètement le récit de Paul qui insiste sur le fait qu’il n’est pas allé chercher l’autorisation des apôtres à Jérusalem. En effet, Ananias est un simple disciple. Il reçoit lui aussi une révélation de Jésus qui lui permet de croire que Paul s’est converti et n’est plus un persécuteur de l’Eglise. « Un instrument que j’ai choisi », ces paroles mises dans la bouche de Jésus par Luc font écho à ce que Paul affirme dans la lettre aux Galates : ce n’est pas une décision de l’être humain qui est à l’origine de l’événement, mais bien un choix de Dieu. Si la raison du choix reste dans l’ombre, Luc établit clairement un lien entre la conversion de Paul et sa mission. Pour que le persécuteur des Eglises devienne un apôtre annonçant lui-même le Christ avec fougue, Luc a besoin d’un événement hors du commun pour faire comprendre le changement. Dans le cadre du livre des Actes, la conversion de Paul n’a pas son but en elle-même. On pourrait presque dire qu’il « faut » cette conversion éclatante pour que l’Evangile sorte de son cadre judéo-chrétien.

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