Nicodème - Espace temps

Judaïsme et christianisme au premier siècle

Au premier siècle de notre ère, le judaïsme est traversé par plusieurs courants de pensée. Pharisiens, zélotes, saducéens et mouvements baptistes sont cités dans le Nouveau Testament. Le courant pharisien est celui qui perdurera après la chute du temple de Jérusalem en 70 après J.C). Il sera à l’origine du judaïsme attaché à la synagogue. Parallèlement, au tout début du christianisme, plusieurs courants théologiques différents diffusent l’Evangile et donneront naissance à des communautés diverses, marquées par une pensée théologique et un enracinement géographique et sociétal propres. Lors de la rédaction finale de cet évangile à la fin du 1er siècle après J.C., chrétiens et juifs sont en plein processus de séparation, ce qui ne se fait pas sans règlement de comptes et douleurs. Les communautés johanniques Cette expression désigne la communauté dans laquelle et pour laquelle l’évangile de Jean a été rédigé (« johannique » vient de Jean). La critique historique et exégétique estime que cette communauté johannique s’est constituée en Syrie et s’est déplacée ensuite en Asie Mineure.*, en particulier, se sont affrontées à l’élite intellectuelle religieuse juive, ce qui explique en partie le rôle négatif dévolu aux autorités juives dans l’évangile selon Jean. Nicodème, qui fait partie de cette élite, est une exception. Est-ce une manière de montrer que les adversaires ne forment pas un bloc uni ou de montrer une trace des liens forts entre judaïsme et christianisme, entre synagogue et Eglise ?

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Calvin et les nicodémites

Le terme de « nicodémites » est un sobriquet dont Jean Calvin, le réformateur, affuble les protestants français qui cachent leur foi. Au 16e siècle en France, les protestants sont en butte à des brimades et même des persécutions. Certains d’entre eux choisissent alors de cacher leurs convictions réelles et se plient aux pratiques religieuses du catholicisme, seule religion autorisée. Ils contredisent alors leur nom de « protestants » qui signifie « témoigner devant », autrement dit « témoigner au grand jour ». En référence à Nicodème qui vient de nuit voir Jésus, Jean Calvin dénonce leur double jeu et leur double langage en les appelant des « nicodémites ». Mais cette référence, centrée sur le seul détail de la venue de nuit, ne fait pas droit au personnage de Nicodème tel qu’il est présenté dans le texte de l’évangile selon Jean. Le nom de « nicodémite » n’a donc qu’un intérêt historique et ne doit pas influencer la lecture du texte biblique.

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Naissance et société

La naissance est le commencement de la vie, seul évènement de l’existence sur lequel la personne n’a aucune prise. Les circonstances de la naissance, époque, lieu, groupe social, déterminent la vie de chacun sans qu’il soit possible de choisir. Dans toutes les civilisations, l’individu est inscrit dans une parenté et ces liens déterminent son identité. Mais cela n’efface pas le mystère de l’origine ni le fait que chaque personne a sa propre individualité. Très souvent dans la Bible ou dans d’autres religions, l’inconnu et la part de hasard de la naissance sont remis entre les mains de Dieu. Dans la Bible, les prophètes sont mis à part dès le sein maternel « avant de te façonner dans le sein de ta mère je te connaissais, avant que tu ne sortes de son ventre je t’ai consacré » (Jérémie 1,5). Mais tout être humain peut dire la même chose : « c’est toi qui a créé mes reins ; tu m’abritais dans le sein maternel » (Psaume 139,13). Beaucoup de récits rapportent des naissances improbables, fruits de parents âgés ou de femmes stériles. Par là, ils essaient de dire le mystère de toute naissance.

Pour faire le lien entre la personne en tant qu’individu et son appartenance à un groupe, les sociétés mettent en place des rites de passage, religieux ou profanes.

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Le baptême

Les premières descriptions de baptême chrétien se trouvent dans le livre des Actes des Apôtres. Il s’agit de récits de conversion, le baptême suivant immédiatement l’adhésion au message de l’Evangile. Avec l’installation de l’Eglise, le baptême devient le signe d’entrée dans l’Eglise. Le baptisé renonce à sa vie antérieure et s’engage à mener une vie irréprochable comme le lui a enseigné la catéchèse. Dès le début du 2ème siècle le croyant est baptisé au cours d’une cérémonie ritualisée après avoir suivi une catéchèse. Deux éléments sont indispensables l’eau et les paroles prononcées, le baptême étant donné « au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ». Mais rien n’est dit sur la qualité de l’officiant. Ce n’est qu’au 3ème siècle, avec la diversification des ministères, que le rite du baptême sera formalisé. Il est célébré un dimanche (si possible à Pâques). Les catéchumènes doivent jeûner et se laver la veille. La cérémonie commence par une déclaration solennelle de renoncement à Satan, puis une onction d’huile dite « d’exorcisme » faite par le prêtre. Le catéchumène descend dans l’eau et est plongé dans l’eau trois fois après avoir confessé sa foi en répondant « je le crois » aux questions posées par le prêtre : « Crois-tu en Dieu le Père tout-puissant ? Crois-tu au Christ Jésus, Fils de Dieu, qui est n é par le Saint-Esprit de la vierge Marie, a été crucifié sous Ponce Pilate, est mort, est ressuscité vivant le troisième jour d’entre les morts, est monté aux cieux et s’est assis à la droite du Père, il viendra juger les vivants et les morts ? Crois-tu en l’Esprit saint ? ». Ensuite l’évêque lui impose les mains en vue de la réception de l’Esprit, répand de l’huile d’action de grâce sur sa tête, trace un signe de croix sur son front et lui donne le baiser de paix. Le baptisé, appelé néophyte ce qui signifie « celui qui est nouvellement planté ou né », est alors pleinement intégré à la communauté et partage l’eucharistie.

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La vie après la mort dans la tradition

Dans l’Ancien Testament le lieu de la relation avec Dieu est la vie humaine entre la naissance et la mort. Le lieu de l’après mort est le shéol dont on ne peut rien dire. L’espérance d’une vie après la mort apparaît explicitement pour la première fois en Daniel 12, 2 et en 2Maccabées 7,9, où elle est donnée aux martyrs fidèles au Dieu d’Israël. La foi en la résurrection de Jésus Christ comme victoire de Dieu sur la mort a pour conséquence la foi en la résurrection de la personne après la mort. Mais les textes du Nouveau Testament n’ajoutent aucune description de cet au-delà de la mort. La tradition chrétienne, au contact de la pensée et des religions grecques, va créer tout un imaginaire autour de l’au-delà. Au Moyen Âge, l’Église est une puissance temporelle et spirituelle qui domine l’Europe. La théologie est entre les mains d’une petite élite et la religion chrétienne est souvent utilisée pour maintenir l’ordre social en l’état. La vie éternelle est présentée comme une récompense donnée à ceux qui le méritent ou qui ont souffert durant leur passage sur terre. A l’inverse la damnation, l’enfer, serait le destin des pécheurs impénitents, des rebelles et des incroyants.

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Justice et jugement

Le Dieu de la Bible est le Dieu créateur qui se révèle à l’humanité et qui intervient dans l’histoire du monde. C’est un Dieu juste au sens où il veut établir des relations justes avec l’humanité et que des relations justes s’établissent par ricochet entre les êtres humains. Toute l’histoire des relations entre Dieu et Israël est donc sous-tendue par les questions de justice et de jugement. Dieu prend souvent la figure du juge. Mais le jugement de Dieu porte sur les injustices, les actions qui apportent la mort. Cette figure du Dieu juge est avant tout celle de Dieu voulant redresser le monde, redonner à sa création son sens véritable, retisser le lien avec l’humanité.
Dans la Bible, la relecture de l’histoire collective et individuelle est souvent interprétée comme la conséquence du juste jugement de Dieu. Cela a pu conduire à des interprétations très culpabilisantes, la justice de Dieu devenant une justice de la rétribution, punissant les mauvaises actions et récompensant les bonnes.
Dans le judaïsme plus tardif le jugement de Dieu est renvoyé à la fin des temps (Daniel 7,15 ; Siracide 16,12). Cette vision de l’histoire est développée dans la pensée apocalyptique Le terme apocalyptique a pris en français le sens de catastrophe très violente évoquant la fin du monde. Dans la Bible ce terme se rapporte bien à la fin des temps, mais il signifie " dévoiler ", " révéler ".*. L’idée de jugement dernier que l’on y trouve signifie avant tout que le Dieu créateur conduit sa création vers un achèvement dans lequel il sera possible de vivre en sa présence.
Dans le Nouveau Testament, c’est la venue de Jésus en gloire qui marque ce temps de récapitulation. Le jugement est entre ses mains. C’est donc avec confiance qu’il est attendu puisqu’en lui le monde a été réconcilié avec Dieu. Une caractéristique de la pensée apocalyptique dans le Nouveau Testament est de dire que nul ne connaît l’heure de ce jugement, ni ses modalités. Contrairement à l’imagination des artistes sur les tympans des églises ou dans des peintures, il n’y a pas de description du jugement dernier. Cet imaginaire du tri entre élus et damnés a été inspiré par le texte de l’évangile selon Matthieu 25,31-46.

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