On nous change la religion! - Contexte

Les affiliations religieuses en baisse

Les réalités religieuses se prêtent en général assez mal à un traitement statistique. Cet outil, qu’il faut donc utiliser avec prudence donne néanmoins de précieuses indications en tendance. Ainsi, l’évolution de l’appartenance déclarée par les Français à une confession religieuse est la suivante (en pourcentages) :

Confession En 1981 En 1990 En 1999
Catholique 71 58 54
Protestante 2 1 1
Juive 0 0 0
Musulmane 1 1 1
Autre 0 1 1
Aucune religion 25 38 43
Ne se prononce pas 1 1 0

Mermet Gérard, Francoscopie 2003, Paris : Larousse 2002

Revenir à la page précédente
Des croyances atypiques ?

Même du point de vue des croyances (et non plus de l’appartenance déclarée à une confession), la France apparaît comme un pays particulièrement peu « religieux » :

Croyance USA Europe France
…en un Dieu 93 69 57
…en un Dieu personnel 69 36 20

Hervieux-Léger Danièle, « les tendances du religieux en Europe », in : Croyances religieuses, morales et éthiques dans le processus de construction européenne, Paris : La Documentation française, mai 2002.

Quand on entre un peu plus dans le détail, les surprises ne manquent pas. Par exemple, les Français déclarent croire plus volontiers à la transmission de pensée ou à l’astrologie qu’à la résurrection du Christ (sondage CSA, Le Monde du 12 mai 1994)

Revenir à la page précédente
D'étranges transpositions

La mondialisation donne accès à des idées ou des doctrines largement ignorées précédemment. Mais ces emprunts s’accompagnent souvent de métamorphoses. Il en va ainsi de l’idée de réincarnation, dont beaucoup d’enquêtes convergent pour souligner qu’elle recueille plus d’adhésion que l’idée de résurrection. Mais de quelle réincarnation parle-t-on ?
Les notions de réincarnation, de migration des âmes sont présentes dans beaucoup de religions issues de la Grèce, du Proche-Orient ou d’Asie. Mais c’est par le biais du bouddhisme qu’elles connaissent aujourd’hui un regain de faveur. Or, dans le bouddhisme, ce cycle de renaissances est considéré comme un malheur, un destin écrasant. D’une certaine manière, tout l’enseignement du Bouddha indique la voie qui permet d’en être libéré.
Pourtant, transplantée en Occident, l’idée de réincarnation est le plus souvent inversée, amputée d’une bonne partie de sa profondeur et simplement considérée comme une chance d’accomplir ultérieurement ce qui n’a pu l’être dans cette vie-ci. Elle entre alors en accord avec le rêve d’abolition des limites humaines et, en l’occurrence, l’abolition du temps, qui est probablement la dimension dans laquelle l’homme occidental se sent le plus douloureusement enserré.
On se trouve ici en présence d’un phénomène typique du paysage religieux contemporain, dans lequel la recherche de la réalisation de soi ou la subjectivité priment sur l’approfondissement ou la cohérence.

Revenir à la page précédente
Vers une laïcité mieux informée ?

En novembre 2001, le philosophe Régis Debray, agnostique et très attaché à la laïcité, publiait un ouvrage intitulé Dieu, un itinéraire. Dans sa première page, il écrit notamment ceci, à propos des sciences religieuses : « Dans le monde francophone, les pionniers de l’enquête patiente et du savoir positif se trouvent, pour une bonne partie, dans les couvents et les congrégations, chez les pasteurs ou les moines, alors que prévaut dans les milieux laïcs ou athées une inertie passéiste (…). Tête-bêche paradoxal auquel conduit une laïcité mal comprise, suicidaire à terme, qui proscrit de l’école publique l’histoire des religions. Veut-on, avec l’illettrisme montant, faire demain des monastères l’ultime abri des Lumières ? ».
Quatre mois plus tard, il remettait au ministre de l’Education nationale un rapport, L’enseignement du fait religieux dans l’Ecole laïque, dans lequel il écrit (p.22) : « Le temps paraît maintenant venu du passage d’une laïcité d’incompétence (le religieux, par construction, ne nous regarde pas) à une laïcité d’intelligence (il est de notre devoir de comprendre) ». Proposant une série de mesures concrètes pour « renforcer l’étude du religieux dans l’Ecole publique », Régis Debray prend ainsi acte d’un double fait : d’une part, la « guerre des deux France » appartient au passé et le paysage religieux pacifié permet donc un débat plus serein ; d’autre part l’ignorance religieuse s’est étendue au point de constituer un obstacle dans la compréhension de phénomènes aussi différents que l’art ou l’actualité internationale, avec toutes les conséquences sociales que cela implique. De fait, ce rapport a été reçu dans un très large consensus, sans raviver des polémiques dépassées.

Revenir à la page précédente