Seul devant Dieu avec les autres - Clés de lecture

Frères et soeurs les uns des autres

A travers cette formule, Bonhoeffer renvoie à un principe essentiel de la Réforme : le sacerdoce universel.  » Sacerdoce  » désigne la fonction du prêtre. Elle consiste à être l’intermédiaire entre Dieu et les hommes. Pour le protestantisme, ce rôle est réellement  » universel  » : tous les chrétiens peuvent l’assumer, sans aucune distinction d’état entre les baptisés. Il n’y a pas de sacerdoce particulier (sacerdoce ministériel), celui du prêtre pourvu d’un pouvoir sacré, différent du sacerdoce de tous les baptisés. Luther écrit :  » Nous sommes absolument tous consacrés prêtres par le baptême « . Chaque chrétien est appelé à présenter Dieu au monde (par l’annonce de la Parole, le témoignage, le service) et le monde à Dieu (par la prière). Chacun reçoit du Christ cette mission et cette responsabilité. Au bénéfice de l’œuvre du Christ, chacun est appelé à en témoigner au cœur du monde et auprès des autres chrétiens. La réciprocité soulignée dans le texte est essentielle.  » Le sacerdoce universel, c’est ce miracle qui fait qu’un frère, une sœur, devient soudain pour moi le visage du Christ, et que je suis appelé à l’être moi aussi pour lui, pour elle  » (Laurent Schlumberger). Pour autant le sacerdoce universel ne signifie pas qu’il n’y ait pas de ministères particuliers exercés dans l’Eglise.

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Communauté

Le mot  » communauté  » est absent du Nouveau Testament. Il désigne ici la communauté chrétienne c’est-à-dire l’Eglise. Lorsque la Parole de Dieu est annoncée et reçue dans la foi, surgit l’Eglise. Elle rassemble des individus différents et pourtant unis à cause de leur foi commune au Christ. Nul ne peut en déterminer les limites que Dieu seul connaît. Elle prend toutefois visage dans des communautés locales même si ces regroupements visibles ne recouvrent jamais la réalité entière de l’Eglise. Les Réformateurs diront que l’Eglise véritable est  » invisible « . La communauté n’existe pas, ni ne se maintient, par nos efforts, nos actes religieux ou notre bonne volonté. C’est un don de Dieu.

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Fraternité chrétienne

Le Christ,  » premier-né d’une multitude de frères  » (Romains 8,29) établit entre celles et ceux qui croient en lui des liens de fraternité. Ainsi les croyants sont considérés comme faisant partie  » de la famille de Dieu  » (Ephésiens 2,19). Le terme de  » frère  » ou  » sœur  » est employé fréquemment dans le Nouveau Testament pour parler des chrétien(ne)s. Ils sont frères et soeurs les uns les autres, parce que le Christ, en leur révélant Dieu son Père, les associe à son statut de Fils. Ce lien fraternel est caractérisé par l’amour. Mais cet amour ne naît pas de l’effort des hommes ou de leur désir d’instaurer par eux-mêmes une communauté. Ce n’est pas un idéal humain, mais un don de Dieu. Pour autant, ce don de Dieu ne démobilise pas le croyant mais il l’appelle à poser les signes concrets de cette fraternité.

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Expériences communautaires

Bonhoeffer fait remarquer que certains peuvent rêver d’une  » communauté pieuse « , dont les membres fabriquent eux-mêmes une  » atmosphère d’expériences bienfaisantes et d’exaltation pieuse qui nous enivre « . On recherche alors, et on tend à créer par les efforts humains, des émotions sentimentales. Mais alors la foi et la piété peuvent devenir une nouvelle loi et maintenir dans une logique des oeuvres. La déception qu’engendre la réalité communautaire est salutaire, écrit Bonhoeffer,  » car elle nous fait comprendre que nous ne pouvons absolument pas compter pour vivre ensemble, sur nos propres paroles, sur nos propres actions, mais uniquement sur la Parole et sur l’Action qui nous lient les uns aux autres, à savoir le pardon de nos péchés par Jésus-Christ. La vraie communauté chrétienne est à ce prix : c’est quand nous cessons de rêver à son sujet qu’elle nous est donnée. « 

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Eglise

Le mot Eglise vient de la racine  » assembler « ,  » rassembler « . Il s’utilise dans différents sens, voisins mais distincts. Il peut désigner au moins quatre réalités :

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D'ordre spirituel

Spirituel vient de  » esprit « . Les mots ruah en hébreu et pneuma en grec, traduits par  » esprit  » dans la Bible, sont des termes concrets qui évoquent le vent, le souffle. L’Esprit de Dieu, dans l’Ancien Testament peut donc bouleverser comme un vent ou animer de l’intérieur comme un souffle. Dans le Nouveau Testament, l’Esprit est appelé : Esprit de Dieu, Esprit Saint, Esprit du Seigneur, du Christ, du Fils. Il a de multiples fonctions. Il rend présent le Ressuscité à l’oeuvre dans la vie des croyants (Galates 4,6) qui sont appelés à vivre selon l’Esprit (Romains 8,1s). Il est donné aux apôtres pour en faire des témoins, des porteurs de la Parole du Christ (Actes 2). L’Esprit descend sur des païens convertis qui sont reconnus comme  » frères  » à part entière par les chrétiens d’origine juive (Actes 10,35). En relation avec le texte de Bonhoeffer, il faut souligner que l’une des principales fonctions du Saint-Esprit est de provoquer l’apparition de l’Eglise.  » L’Esprit sans l’Eglise serait une force sans moyen d’action. L’Eglise sans l’Esprit serait un corps sans principe de vie.  » (Ph-H. Menoud). C’est pourquoi dans le Nouveau Testament, l’Esprit et l’Eglise sont toujours ordonnés l’un à l’autre et inséparables l’un de l’autre. On a souvent remarqué que dans le livre des Actes Ce livre du Nouveau Testament est la deuxième partie de l'œuvre de l'évangéliste Luc. Il y raconte le développement de la première Eglise, de Jérusalem jusqu'à Rome, selon un plan qui suit l'expansion progressive du christianisme. le sujet principal ce ne sont pas les apôtres mais l’Esprit qui édifie et fait grandir l’Eglise (9,31), inspire les décisions pour maintenir son unité (15,28), qui oriente la mission, établit les ministères Etymologiquement, le mot " ministre " signifie " serviteur " et " ministère " " service " (avec, au départ, une notion d'infériorité : la même racine a donné " moins " ou " mineur " !). La Réforme, avec le principe du sacerdoce universel, reconnaît des ministères divers, que tout membre de l'Eglise peut théoriquement les exercer, mais qui sont confiés durablement ou temporairement à ceux qui sont aptes à les accomplir. (6,6 ; 20,8)

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Seul

Le protestantisme souligne que c’est la personne dans sa singularité et sa solitude qui est rencontrée par le Christ. La Parole du Christ atteint l’individu personnellement et l’appelle. Ce face à face individuel avec Dieu est décisif. Mais cette rencontre ne laisse pas l’individu dans sa solitude première et essentielle devant Dieu, puisque dans le même mouvement, elle l’intègre à la communauté des croyants. Elle est le rassemblement de celles et ceux qui ont été personnellement rencontrés et appelés par Jésus Christ. Le lien personnel à Dieu est premier par rapport à l’appartenance communautaire. Et chacun, même relié aux autres, est toujours appelé à rester dans un lien direct à Dieu notamment par la lecture personnelle de la Bible, la recherche de son actualisation, la prière, la confession du péché Du mot hébreu " manquer un but ", " être séparé de ". Dans la Bible, le péché est la rupture du lien de la personne avec Dieu. à Dieu sans intermédiaire. La communauté est donc constituée d’individus qui écoutent personnellement Dieu et ainsi la construisent chacun de façon responsable. Elle ne peut donc pas être le lieu où le croyant se réfugie pour échapper à lui-même et aux questions ultimes (le sens de l’existence, la mort). La communauté, si elle nourrit la foi de l’individu, le renvoie aussi au face-à-face solitaire avec Dieu. Le protestantisme développe ainsi un aller-retour et une tension féconde entre, d’une part, la relation personnelle à Dieu, la responsabilité individuelle et, d’autre part, la vie communautaire où, par le soutien et l’éclairage fraternels, sont évités l’écueil du subjectivisme, des dérives sectaires ou de l’isolement identitaire.

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Appel

Au point de départ de la foi il y a la rencontre avec Dieu. Un Dieu personnel, Tout-Autre que l’être humain. Un vis-à-vis qui lui adresse une Parole, une vocation. Le chrétien est une personne qui au travers de la Parole a rencontré le Christ et a entendu son appel à le suivre. Cette interpellation première venant de Dieu fait entrer le croyant dans  » la communauté des appelés « , l’Eglise, dont l’étymologie signifie précisément  » appeler, assembler, rassembler « . L’appel est vécu dans un rapport individuel à Dieu, mais il envoie toujours le croyant vers les autres croyants pour qu’il partage et enrichisse la vie communautaire. Cette Parole qui offre une vie nouvelle, appelle aussi un changement de vie. Une existence renouvelée en fidélité à la Parole reçue.

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Communion fraternelle

Cette expression désigne l’union de ceux qui ont été appelés par le Christ, et qui de ce fait sont frères. Elle est ici synonyme de  » l’Eglise « . Et en effet, pour la Réforme, l’Eglise est fondamentalement  » communion « , communion entre Dieu et les croyants et par conséquent communion des croyants entre eux. Dans le Nouveau Testament, le mot communion correspond au terme grec koinônia qui évoque la communion fraternelle entre les disciples ainsi que la communion avec Christ. Mépriser la communion fraternelle en voulant rester un chrétien isolé serait se priver des autres, de leur apport de croyants, de leur témoignage et les priver de ce que soi-même on peut leur apporter à travers la vie communautaire. Les éléments essentiels, constitutifs de la communion fraternelle sont, dans le Nouveau Testament, l’écoute et l’enseignement de la Parole, la prière, le baptême On distingue dans les textes du Nouveau Testament deux types de baptême : le baptême de Jean le Baptiste, un baptême de conversion qui s'apparente aux purifications rituelles de l'Ancien Testament et celui qui sera le premier sacrement des chrétiens. Ce dernier est aussi appelé un baptême d'eau et d'Esprit., la participation au repas du Seigneur (appelé Cène Souper, dernier repas de Jésus. Quatre textes du Nouveau Testament (Matthieu 26,17-30, Marc 14,12-31, Luc 22,7-23, 1Corinthiens 11,23-26) nous disent que Jésus, juste avant son arrestation, partagea avec ses disciples le pain et le vin et leur demanda de répéter ce geste en mémoire de lui.), le soutien mutuel, le partage des joies et des peines, ainsi que le partage des biens matériels ou, du moins, l’entraide des uns vis-à-vis des autres.

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