Seul devant Dieu avec les autres - Contexte

La réciprocité

Le principe du sacerdoce universel implique des liens de réciprocité entre les membres de la communauté. Or il est parfois utilisé pour justifier l’individualisme et le refus des exigences de la vie communautaire. Certes le sacerdoce universel souligne très clairement la responsabilité individuelle de chaque croyant devant Dieu, mais il implique aussi, à cause de la foi commune au Christ, la relation avec les autres dans la communauté. Bonhoeffer a dénoncé ce dévoiement individualiste du sacerdoce universel :  » Le concept de sacerdoce universel est aujourd’hui individualisé (…) inversé jusqu’à devenir le contraire de ce qu’entendait Luther.  » Or poursuit-il  » je rencontre le Christ dans mon frère et en Christ seulement je l’entends (…) Dans la communauté, l’un devient le Christ pour l’autre. Les membres ne sont pas détachés les uns des autres…  » Loin donc de justifier un repli individualiste, le sacerdoce universel relie le croyant aux autres dans l’Eglise, ouvre un nécessaire espace pour la rencontre, pour le soutien fraternel, pour le débat et parfois la confrontation. Chacun(e) a une égale valeur de parole et un devoir égal d’apprécier celle des autres. Il a donc besoin des frères et des soeurs dans la communauté pour approfondir sa propre fidélité. Cela implique de ne pas éviter les débats de fond qui s’imposent afin d’assumer les différences et les différends et grandir ainsi dans la vraie communion. Or on croit trop souvent, au nom d’un amour fraternel mal compris, devoir dissimuler les divergences et les tensions. Il arrive alors qu’on laisse se détériorer des situations dans le silence au lieu de mettre des mots sur les difficultés.

Revenir à la page précédente
Sacerdoce universel/ministères

Pour la Réforme, comme l’écrit Luther,  » tous les chrétiens appartiennent vraiment à l’état ecclésiastique ; il n’existe entre eux aucune différence, si ce n’est de la fonction « . Si tous les chrétiens forment un seul corps sacerdotal (une communauté de prêtres), tous les membres du corps n’ont cependant pas la même fonction (d’après le texte de Paul : 1Corinthiens 12). Tous les baptisés sont égaux en dignité devant Dieu, ils n’appartiennent pas à des états différents (comme dans la conception catholique). Pour autant, cela ne signifie pas uniformité ou indistinction des fonctions. Chaque chrétien et l’Eglise dans son ensemble est prêtre devant Dieu, mais cela n’exclut pas que des tâches, une fonction, un service (sens du mot ministère) soient confiés à certains. L’articulation entre le ministère personnel (notamment pastoral) et le ministère de la communauté est essentielle, parfois problématique.

Revenir à la page précédente
Articulation essentielle, parfois problématique

Le ministère personnel comme celui de la communauté dépendent directement de Dieu et ont reçu de lui leur vocation. Les ministres ont reçu une vocation personnelle, intérieure et secrète qui est première, et ensuite ils ont reçu de l’Eglise une vocation extérieure et publique par laquelle leur ministère est  » reconnu « . Mais la communauté, elle aussi, reçoit de Dieu une vocation, une mission particulière dans le contexte où elle est placée. Il n’y a pas par conséquent de subordination ou de soumission dans un sens ou dans l’autre entre le ministre et la communauté, mais une reconnaissance mutuelle de chaque vocation spécifique. De ce fait dans les Eglises issues de la Réforme calviniste le pasteur est appelé, élu par le conseil presbytéral En affirmant le sacerdoce universel, la Réforme a donné un rôle important aux membres de l'Eglise, autres que les pasteurs. Ainsi, Calvin distingue le ministère des Anciens, qui avaient, au 16e siècle, un rôle important de surveillance (par exemple concernant les mœurs pour autoriser l'accès à la ). (lui même élu par la communauté et qui la représente). Celui-ci ne peut exercer son ministère en solitaire, indépendamment de la communauté. Sa liberté et sa responsabilité individuelles demeurent toutefois pleines et entières dans son ministère d’annonce de la Parole. Cette tâche est à exercer comme un ministère (un service : les mots ministre et ministère viennent de minus, petit !) non comme un magistère (fonction d’autorité qui étymologiquement vient de magnus : grand). Toutefois, aucune tâche n’est réservée au seul pasteur : un membre d’Eglise peut présider l’ensemble du culte (liturgie, prédication, célébration de la Cène) et accomplir les actes pastoraux (baptême, mariage, service funèbre) s’il est appelé et formé pour cela par les instance ecclésiales.

Revenir à la page précédente
Communauté, un mot, plusieurs réalités

Par le terme  » communauté « , le protestantisme désigne souvent la communauté ecclésiale locale. On parle aussi parfois de paroisse (mot d’origine grecque paroikia qui a une connotation territoriale :  » groupe d’habitations voisines « ), terme et réalité hérités de l’organisation ecclésiale antérieure à la Réforme protestante du 16e siècle. Mais en fait, l’appellation exacte, devrait être  » Eglise locale « . Pour le protestantisme français qui vit généralement en situation de dissémination Ce mot désigne la réalité des Eglises minoritaires (par exemple le protestantisme en France) dont les membres et les communautés sont dispersés au cœur de la société. Elle n'est pas seulement géographique, mais peut être aussi culturelle, temporelle, spirituelle, théologique., on organise localement la vie de l’Eglise en petites communautés de proximité géographique, appelées  » ecclésioles  » ou  » Eglises de maison « . En lien, en marge ou en rupture avec les structures des Eglises locales, des expériences communautaires diverses ont ainsi vu le jour. Elles avaient l’ambition de revitaliser l’Eglise en vivant de façon plus radicale la vie communautaire.

Revenir à la page précédente
Individu et communauté

La demande de croyance individualisée qui se manifeste aujourd’hui, le désir d’une démarche personnelle en dehors du contrôle des institutions, doivent incontestablement être pris au sérieux. Cela rejoint l’intuition fondamentale de la Réforme protestante qui place chaque croyant devant Dieu sans intermédiaires, ouvrant la voie à une relation d’intimité personnelle avec Dieu. Mais les Réformateurs n’ont pas pour autant oublié d’organiser la vie communautaire. Ils se sont opposés avec véhémence à ce qu’ils considèrent comme des excès de spiritualisme ou des débordements enthousiastes Ce terme qui littéralement veut dire "en Dieu" (du grec : en-theou) est utilisé par les Réformateurs, notamment Luther, pour désigner les exaltés (en allemand Schwärmer) qui, au 16e siècle, se laissaient aller à leur subjectivité. Sous l'influence supposée du Saint-Esprit, ils prétendaient apporter des révélations particulières et menaçaient le mouvement réformateur par des excès dans les domaines religieux, ecclésial et politique.. Aussi ont-ils défendu avec vigueur la légitimité et l’ordre de la communauté ecclésiale. Certes, pour eux la véritable Eglise est invisible. Mais l’Eglise visible est irremplaçable. Elle est voulue par Dieu comme lieu de la prédication de l’Evangile et de l’administration des . Elle est également le lieu de la prière communautaire et de la lecture biblique en commun. Le piétisme La piété désigne la dévotion, l'attachement aux devoirs et pratiques religieuses, avec une nuance de ferveur dans le langage courant. Ce mot a donné son nom a un courant important qui a touché et marqué fortement la piété protestante : le piétisme. insistait beaucoup sur la nécessité pour les fidèles de se réunir autour de la Bible afin de s’édifier mutuellement et y puiser, avec l’aide du Saint-Esprit, une spiritualité vivante. Ainsi la communauté est appelée à accompagner et à guider de différentes manières la vie spirituelle de ses membres. Car fondamentalement, le croyant a besoin des autres pour se garder des prétentions individuelles et des dérives sectaires. Pour le protestantisme, il y a entre individu et communauté, une tension féconde.

Revenir à la page précédente
S'édifier mutuellement

Aujourd’hui, devant la fragilisation des personnes et l’affaiblissement du lien social, il est particulièrement important que les Eglises puissent être des lieux d’écoute, de dialogue, de débat, sans jugement a priori et sans culpabilisation ; des communautés où les préoccupations, les questions et les peurs de chacun, et pas seulement celles des autres, sont nommées et portées devant Dieu dans la prière ; des communautés où chacun est accueilli tel qu’il est et non comme on voudrait qu’il soit. Si aujourd’hui les Eglises ne savent pas écouter ni proposer des convictions consistantes et ouvertes à la fois, alors il est sûr que nombre de contemporains se tourneront vers les discours sécuritaires, les réponses toutes faites des gourous et des chefs ou le légalisme moral des religieux.

Revenir à la page précédente
La promotion protestante de l'individu et du sacerdoce universel : richesses et dérives

L’insistance nouvelle sur la personne face à Dieu conduit la Réforme à souligner la liberté et la responsabilité de chacun et à développer une attitude critique à l’égard des intermédiaires, notamment ecclésiaux. Cela ne veut pas dire le rejet de la communauté. Celle-ci, dans sa réalité visible, située historiquement, aide l’individu croyant dans sa lecture de la Bible et le soutient. De même, chaque chrétien apporte sa contribution à l’édification des autres et de la communauté. Ce qui est vrai pour les individus l’est aussi pour les communautés, chacune a besoin des autres. Ainsi le lien et l’échange entre les différentes confessions chrétiennes apparaissent comme une exigence qui découle du principe de sacerdoce universel. Cette conception du rapport à Dieu et aux autres, développe de façon positive une culture de la responsabilité, un sens de l’engagement au profit de la collectivité, une promotion pour soi et pour les autres de la liberté de conscience. Cependant, des dérives individualistes, au sens négatif du terme, ont pu aussi voir le jour, du fait de la valorisation de l’individu par le protestantisme. On a pu caricaturer l’individualisme protestant en disant que chaque protestant détient à lui tout seul sa vérité en matière de foi, sous prétexte que, comme l’affirmait Boileau,  » il est pape une Bible à la main « .

Revenir à la page précédente
Communion

Ce terme de communion est aujourd’hui beaucoup utilisé dans le mouvement œcuménique. Il est préféré à celui d’unité qui semble trop facilement induire l’idée d’uniformité. La communion n’est pas une réalité à construire, mais elle est à recevoir dans la foi, à expérimenter et visibiliser. Elle est suffisamment forte pour accepter de vivre la diversité, assumer les différences et parfois les différends au sein de la communauté. La communion signifie qu’en Christ les chrétiens et les Eglises peuvent être unis sans être tous pareils, ils peuvent vivre ensemble sans être identiques. La communion est aussi une réalité dynamique qui implique, au sein d’une Eglise comme entre les Eglises, un dialogue permanent. Celui-ci permet de vérifier jusqu’où les différences sont légitimes et acceptables sans porter atteinte à la communion, et à partir de quel moment elles deviennent séparatrices.

Revenir à la page précédente
Culte

Dans le protestantisme, le culte est la réunion publique de la communauté locale. Il a lieu de façon hebdomadaire, le dimanche dans la majorité des cas. Le mot  » culte  » (du latin  » cultiver « ,  » honorer « ) est propre au monde francophone contemporain. Calvin utilise le terme de  » prières publiques « , plus tard on parle des  » saintes assemblées « . Luther et le monde germanophone actuel parlent de Gottesdienst ( » service divin  » : qui signifie aussi bien l’œuvre accomplie par Dieu que le service du peuple de Dieu). C’est toute l’assemblée qui célèbre : elle célèbre Dieu. Le culte protestant est un acte de reconnaissance du croyant qui se sait sauvé par la grâce de Dieu : les fidèles viennent louer Dieu communautairement, renouveler leurs forces, partager avec leurs frères et sœurs joies et peines et surtout entendre la Parole de Dieu à travers la lecture de la Bible et la prédication. Cette Parole s’exprime aussi dans la liturgie Le mot vient du grec leitourgia et veut littéralement dire " service du/pour le peuple ". Elle a donc toujours une dimension communautaire.. Il n’y a pas obligatoirement célébration de la Cène lors de chaque culte. Autrefois, célébrée seulement lors des grandes fêtes dans les Eglises réformées, elle l’est aujourd’hui en général une ou deux fois par mois, parfois davantage, selon le choix de la communauté locale. La musique et le chant occupent une grande place dans le culte protestant. C’est toute l’assemblée qui participe par le chant. La Réforme a fortement contribué au renouvellement et à la création d’œuvres musicales. Elle a créé un nouveau répertoire conforme aux convictions nouvelles. Ainsi Luther invente le choral : les textes composés sur des mélodies simples ou connues sont chantés à plusieurs voix. Ils ne sont pas forcément d’inspiration biblique, mais rendent compte de l’expérience de la foi. Les chants sont, la plupart du temps, en langue nationale et ainsi compréhensibles par tous. Dans le monde francophone, sous l’impulsion de Calvin, les psaumes sont mis en musique (psautier huguenot). Depuis le 18e siècle, en France, les cantiques viennent s’ajouter aux psaumes. Le chant joue un rôle important dans la vie de foi tant personnelle que communautaire des protestants. Il faut enfin signaler deux musiciens protestants qui ont enrichi ce répertoire : Jean-Sébastien Bach (1685-1750) qui sait notamment exploiter le chant choral mis à l’honneur par Luther, et Haendel (1685-1759), compositeur de la mélodie du plus connu des cantiques protestants français, A toi la gloire, qui célèbre le Christ ressuscité.

Revenir à la page précédente