Prier - Contexte

Comment définir la prière ?

Dans Fin de partie, les personnages limitent leur perception de la prière à une attitude physique : joindre les mains, se taire, fermer les yeux. Comme si prier revenait à appliquer ce mode d’emploi. Ici, il s’agit plus d’une technique de prière que de la prière elle-même. Il faut dire qu’il n’est pas simple de définir ce qu’est la prière. Le christianisme en parle généralement comme d’un dialogue entre l’homme et Dieu. On peut souligner au moins trois aspects de ce dialogue.

  • Prier, c’est se présenter devant Dieu en vérité, se retrouver « créature » devant « le Créateur », « enfant » devant « le Père ». Un dialogue n’est pas un discours : prier ne revient donc pas à informer Dieu de ce qui se passe « ici et maintenant ». Un dialogue implique une parole et une attitude vraies. Ainsi, prier, c’est présenter à Dieu la vérité de sa vie (ses désirs, ses combats, ses joies, ses révoltes, etc.). La prière appelle la présence de Dieu dans tous ces domaines.
  • Prier, c’est aussi se recueillir, s’arrêter, prendre le temps d’une pause. Si la prière est parole, elle est aussi écoute. Lire l’Evangile, écouter la Parole de Dieu (prédication, étude biblique, méditation, etc.), c’est admettre que cette Parole puisse déranger, contester ce que je vis. Elle peut aussi encourager, apaiser et consoler. Ainsi, la prière n’est pas un dialogue « intérieur » avec moi-même mais un dialogue entre ma propre parole et celle de Dieu.
  • Prier, c’est enfin un acte gratuit. Aujourd’hui, la vie est marquée par l’agitation et la production. Elle impose d’être utile et rentable. La prière n’est rien de tout ça. En ce sens, elle impose une mise à distance et rappelle que Dieu ne porte pas sur l’homme le même regard que le monde. Le dialogue avec Dieu ouvre un espace libre, gratuit où la rentabilité n’est pas de mise.

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Un théâtre de l'absurde : Fin de partie

En 1957, Fin de partie est créée en français à Londres. Cette pièce met en scène quatre personnages handicapés physiquement menant une existence absurde dans un monde indéterminé : peut-être des rescapés d’une catastrophe nucléaire ? Hamm, aveugle paraplégique, occupe le centre de la scène. Il entretient avec son valet, Clov, une relation de maître à esclave. Clov affirme sans cesse vouloir le quitter mais n’en trouve jamais la force. Nell et Nagg, les parents de Hamm, ont perdu leurs jambes et vivent depuis dans des poubelles. Il n’y a pas réellement d’intrigue dans cette pièce et le discours est sans ordre logique apparent. Le dialogue n’est pas au service d’une action : il est là pour compenser la vacuité du présent et l’impuissance de ces personnages à agir dans ce monde-là. Ainsi, Beckett (1906-1989) reprend, en les radicalisant, les détresses de l’humanité : dépérissement de l’esprit, incompréhension mutuelle, violence du pouvoir, souffrances du corps, etc.
Il traite du désespoir et de la volonté de survivre dans un monde décrit comme « incompréhensible ». Fin de partie est traversée par une appréhension tragique de la vie : « Vous êtes sur terre, c’est sans remède ! » dit Hamm. Pourtant, il conclut la pièce en disant : « Il faut continuer, tout doit continuer ».

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De la spiritualité !

Le monde moderne est marqué par une perte d’intérêt pour les religions historiques et par une montée en puissance des superstitions : astrologie, voyance, magie, occultisme, etc. La modernité a pu faire croire que l’homme s’épanouirait en consommant, en assouvissant ses principaux besoins (physiques, culturels, de loisirs, etc.). Dans cette perspective, on reconnaît à l’homme des « besoins spirituels » qu’il s’agit aussi de satisfaire. Par ailleurs, de nouvelles formes de spiritualités sont apparues : Yoga, méditation transcendantale, « Zen », New Age, etc. Ces nouvelles pratiques apportent souvent de l’apaisement dans un monde violent et fragilisant. Mais en ne se centrant que sur l’individu, elles peuvent aussi l’enfermer dans ses propres expériences spirituelles.
La spiritualité chrétienne n’est pas un ensemble de pratiques ou d’exercices spirituels qu’il faudrait mettre en pratique pour épanouir son individualité. La spiritualité chrétienne peut prendre la forme de prières (individuelles ou communautaires), de méditations, mais aussi d’actions concrètes vécues dans la foi. En ce sens, la spiritualité chrétienne est plutôt une attitude, dans la vie de tous les jours.
De plus, la spiritualité chrétienne ne centre pas l’homme sur lui-même, mais l’ouvre à un autre que lui, Dieu. Elle est la marque d’un dialogue en vérité instauré entre le croyant et Dieu : se tenir en vérité devant Dieu (avec ses incertitudes, ses demandes, ses joies) et accueillir Dieu en vérité (ce qu’il dit, veut, ce qu’il est). Dans ce dialogue, le croyant porte un regard sur lui-même, mais fait place aussi au regard que Dieu porte sur lui. Il en va non seulement d’une relation individuelle à Dieu, mais aussi de sa relation aux autres, au monde.

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Les difficultés de la prière

Dans le Nouveau Testament, les disciples ont demandé à Jésus :  « Apprends-nous à prier » (Luc 11,1). Même pour eux, la prière n’est donc pas quelque chose de naturelle ou de facile. Sans doute que la majorité des chrétiens connaissent ces mêmes difficultés : la prière non exaucée, la prière découragée, la prière qui donne l’impression de se parler à soi-même, etc. La Bible n’ignore pas ces difficultés, elle les évoque.
Parmi ces évocations, l’apôtre Paul parle dans ses lettres de la faiblesse de la prière des croyants, de ses difficultés, ses lourdeurs et ses contradictions (Romains 8,26-27). Il poursuit en affirmant que l’Esprit de Dieu intervient au cœur même de la pauvreté de la foi des hommes. L’Esprit transfigure la prière des croyants : en quelque sorte, il se fait leur porte-parole auprès de Dieu.
Cette affirmation de Paul appelle trois remarques importantes pour les chrétiens :
– Les difficultés de la prière ne sont pas liées à un manque de foi, mais aux réalités de ce monde.
– Si la prière est toujours maladroite, balbutiante, l’Esprit intervient pour transformer cette prière devant Dieu afin de la rendre juste et ferme.
– La prière n’est pas une démonstration de ferveur religieuse, ni une preuve de son attachement à Dieu. Elle s’enracine dans la vérité de celui qui prie et dans la vérité de Dieu qui la reçoit.

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