Responsable de ce qui m’arrive? - Clés de lecture

Chacun décide de sa vie

On entend parfois cette réflexion. L’être humain est libre, alors il décide de sa vie, de son avenir. Il suffit de choisir au départ le bon chemin. On se trouve là devant un vieux débat, toujours actuel, entre ceux qui déclarent l’être humain libre de ses choix, et les autres, qui font remarquer qu’il n’est pas si libre que cela. Ce débat existe depuis l’antiquité. De la tragédie grecque aux débats de Luther contre Erasme en passant par ceux d’Augustin Augustin est sans doute le plus célèbre des Pères de l'Eglise. C'est lui qui a laissé l'œuvre la plus abondante, la mieux conservée et qui a produit un héritage important, même si ses héritiers n'ont pas toujours été fidèles à la pensée du maître.* contre Pélage Comme pour beaucoup de courants hérétiques, on ne connaît la pensée de Pélage que par ses détracteurs, principalement Augustin. Pélage se trouve à Rome à partir de 380 jusqu'à la prise de la ville par Alaric en 410, date à laquelle il part en Afrique puis en Palestine.. La Bible aussi s’en fait l’écho.

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Des responsables

Trouver des responsables aux malheurs qui arrivent est d’abord une sorte de réflexe généralement inconscient de l’être humain. Cela lui permet d’échapper à la culpabilité qui est liée à toute situation de malheur ou de maladie. Pour essayer de s’en décharger, on la fait porter par un tiers, on cherche un  » bouc émissaire « .
Etablir une responsabilité permet aussi de faire disparaître le côté illogique et insensé d’un malheur.
Enfin, trouver le coupable assouvit le désir de justice. Cette dernière est ainsi rétablie. Car le malheur ou la maladie sont ressentis comme injustes. Le questionnement  » pourquoi moi  » ou  » pourquoi un de mes proches  » se trouve alors comme projeté à l’extérieur. Le médecin qui n’était pas là à temps ou qui n’a pas tout essayé, la gendarmerie qui n’a pas interdit la circulation dans le brouillard, etc.

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Différents "tiers" possibles

Le tiers, cela peut être une personne qu’on désigne (le médecin ; d’autres personnes impliquées dans l’accident ; etc.), mais aussi un agent plus abstrait : la société, la météo défavorable, des arbres plantés trop près de la route, un défaut de technique, etc. Le tiers permet de déplacer l’interrogation sur la cause du malheur ou de la maladie de la victime vers une autre personne ou une autre réalité. S’il est indispensable de s’interroger sur les causes du malheur (et cela implique d’établir des degrés de responsabilité des uns et des autres), on découvre aussi que les procès intentés aux tiers jouent un rôle important, même s’ils ne résolvent jamais complètement le problème et ne font pas disparaître l’interrogation plus profonde  » pourquoi le malheur ? « 

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Un sens dans ton histoire

Dès que la maladie s’installe ou que le malheur arrive, la question du sens se pose :  » Pourquoi ? « . Et le fait que cette question du sens du malheur soit sans réponse ajoute encore au tourment. Même si les responsabilités sont clairement établies (quelqu’un a conduit trop vite et perdu le contrôle de son véhicule, par exemple), la question demeure :  » Pourquoi la voiture de la victime s’est-elle trouvée là ? A ce moment précis ? « . C’est l’absence de logique, c’est le non-sens, qui rendent la maladie et le malheur si inacceptables. On cherche alors des interprétations, plus ou moins convaincantes, selon les personnes et les circonstances. C’est tantôt Dieu ( » C’est Dieu qui l’a voulu ainsi « ), le destin ( » C’était son heure « ), une logique qui est censée créer du bien à partir du mal ( » On ne sait pas mais cela servira certainement à quelque chose « ), une idée de rétribution ( » Il ou elle l’a bien cherché « ) ou encore une logique de quasi-hérédité du malheur ( » Cette famille, elle attire depuis toujours le malheur « ). Généralement les  » causes  » ainsi évoquées se télescopent et s’entrecroisent.

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Une conséquence de ce que tu as fait

Cette expression révèle une logique qui explique la réalité du mal par un lien de cause à effet. C’est une des manières trouvée par l’être humain pour apprivoiser ce qui lui arrive d’inexplicable. Dans la culture des peuples, de multiples proverbes s’en font écho. Il existe aussi dans la plupart des religions des versions de cette logique. Le malheur est alors souvent compris comme une conséquence d’un mal-faire, d’une faute commise contre la divinité. Bien que combattue dans les Evangiles, cette conception se retrouve aussi dans l’histoire du christianisme.

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Un signe que nous adresse notre corps

L’être humain n’est pas seulement une machine, et le corps malade ne se soigne pas comme une machine tombée en panne. Aujourd’hui, on accepte de plus en plus une vision globalisante de l’humain où corps, âme et esprit ne sont pas des parties isolées mais s’interpénètrent les uns les autres. On peut ainsi parler d’effets psychosomatiques (et on devrait ajouter : somato-psychiques). C’est à dire que l’interaction existe entre corps (soma en grec) et âme (psychè en grec). C’est pourquoi, quand la maladie frappe, de plus en plus de personnes se posent la question du sens de ce qu’elles perçoivent comme  » signe « . L’avantage d’une approche globale de l’être humain n’est pas à nier. Elle ouvre des perspectives de compréhension plus larges qui peuvent aider celui qui soigne. Toutefois, cette intuition peut aussi avoir des conséquences néfastes pour le patient, celui-ci la reçoit trop souvent comme un savoir, parfois culpabilisant, que l’autre aurait sur lui, savoir auquel il n’accède pas ou ne veut pas accéder. L’interprétation de la maladie ne peut appartenir à un tiers. C’est du domaine privé, et des exclamations comme  » Je l’ai toujours su : avec ce qu’il a vécu, il va développer un cancer  » relèvent tout simplement du mépris et de l’imposture.

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