Les terrains ensemencés - Contexte

Le discours en paraboles : Marc 4

Cette parabole fait partie du premier des rares discours de Jésus rapportés dans l’évangile selon Marc. L’activité d’enseignant de Jésus est rappelée au début et à la fin du chapitre 4, soulignant ainsi que les paraboles qui le composent doivent être comprises comme un enseignement. L’introduction (versets 1-2) mentionne Jésus qui enseigne. La conclusion (versets 4,33-34) est une récapitulation de cet enseignement, sans que le mot ne soit prononcé. Il est alors question des modalités du discours, (parler en paraboles), et de son contenu, (annoncer la Parole). La qualité de la réception de cet enseignement ne dépend que de la capacité d’écoute des auditeurs. Cet enseignement est donc tout à fait déroutant puisqu’il ne cherche pas à transmettre un savoir clair, ni à accroître les connaissances des auditeurs, mais à provoquer une qualité d’écoute telle que l’auditeur soit touché au plus profond de son existence.

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Les paraboles dans le Nouveau Testament

La tradition orale a gardé beaucoup de paraboles de Jésus rapportées ensuite dans les évangiles synoptiques Synoptique vient d'un terme grec qui signifie « voir ensemble » (syn=ensemble et opsis=le regard/la vue). Les trois évangiles selon Matthieu, Marc et Luc sont appelés synoptiques car ils présentent suffisamment de ressemblances pour qu'on puisse les "regarder ensemble".* et dans l’évangile de Thomas L’évangile de Thomas est un texte chrétien ancien qui n’a pas été intégré dans le canon du Nouveau Testament. C’est pourquoi on le qualifie parfois d’écrit apocryphe chrétien.*. Sachant que dans le Nouveau testament, seul Jésus prononce des paraboles, on peut en conclure qu’il s’agit d’un mode indispensable de transmission de la Bonne Nouvelle, à savoir la proximité du Règne, ou Royaume de Dieu.
Les paraboles que Jésus a prononcées sont maintenant intégrées dans les récits évangéliques. Certaines sont communes aux 3 évangiles synoptiques, ou seulement à 2. Elles ne sont pas toujours rapportées dans le même contexte d’énonciation. Cela traduit le travail de rédaction des évangélistes qui reprennent les paraboles de Jésus dans le cadre de leur propre œuvre théologique. Le contexte peut alors influencer la compréhension de la parabole.
De plus, certaines différences entre ces mêmes paraboles proviennent de leur transmission faite dans des milieux et des temps différents. Il peut alors être nécessaire de se reporter au contexte historique de rédaction des évangiles pour comprendre la parabole.

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Les paraboles de Jésus et le Règne de Dieu

L’expression « Règne ou Royaume de Dieu » suggère en elle-même toute une série d’images, positives ou négatives, associées à la royauté. Les paraboles ne donnent pas de définition du Règne de Dieu, mais font travailler ces images en mettant en scène des situations censées se dérouler dans le monde réel. Au lieu de transmettre un savoir sur le Règne de Dieu, elles permettent de faire l’expérience de sa proximité dans le monde d’aujourd’hui.
La formule introductive d’une des paraboles du chapitre 4 de Marc est intéressante à ce titre : « à quoi comparons-nous le Règne de Dieu ou dans quelle parabole le présentons-nous ? » (Mc 4,30). Cette introduction souligne les limites de la comparaison et la différence entre comparaison et parabole. Ainsi le Règne de Dieu n’est pas comparable à une « graine de moutarde », titre donné à cette parabole. Mais toutes ces comparaisons et paraboles tirées du monde familier et quotidien montrent que le Règne de Dieu n’est pas non plus au ciel, peuplé d’anges. En ramenant le Règne de Dieu dans le monde réel, les paraboles mettent en évidence à la fois ce qui les rapproche et ce qui les sépare.

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Règne ou Royaume de Dieu

Le mot grec basileia peut se traduire par « règne » ou « royaume ». Le mot règne renvoie au régime d’autorité qui gouverne un pays alors que le mot royaume désigne le territoire sur lequel s’exerce cette autorité. Généralement les traducteurs choisissent de traduire toujours par le même mot et ne tiennent pas compte de cette nuance de sens. Dans l’évangile de Matthieu, on trouve souvent l’expression « Royaume des cieux ».

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La reprise de cette parabole dans les évangiles selon Matthieu et selon Luc

On retrouve cette parabole dans les évangiles selon Matthieu et Luc dans un contexte différent. L’injonction finale « que celui qui a des oreilles pour entendre/écouter entende/écoute ! » se trouve dans les trois évangiles. Par contre l’insistance sur l’écoute ne se trouve que dans l’évangile selon Marc, où cette parabole est mise au tout début de l’évangile, comme commencement du premier discours de Jésus. Dans ce contexte particulier, cette parabole met en évidence le rôle des paraboles dans l’enseignement de Jésus. Elle devient un exemple de la manière d’écouter et de recevoir cet enseignement.

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L’image du semeur

L’image des semailles et de la moisson est très fréquente dans la Bible. Selon les récits, l’attention est portée sur le semeur, ce qui est semé, le lieu et le temps, ou la moisson, avec là aussi des accents possibles sur le temps de la moisson, les moissonneurs ou la qualité de la moisson. Cette image universelle donne lieu à de nombreuses variations qui montrent la richesse des récits paraboliques.

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Le mystère du Règne de Dieu

La réponse de Jésus aux personnes qui l’interrogent au sujet des paraboles peut sembler énigmatique. Le Règne de Dieu est un « mystère », c’est-à-dire un évènement que seule une révélation divine peut dévoiler. Dans les évangiles, ce terme de mystère au singulier pour désigner le Règne de Dieu n’est utilisé qu’ici chez Marc. Matthieu et Luc sont plus explicites en disant « à vous a été donnée la connaissance des mystères du Règne de Dieu » (Mt 13,11 et Lc 8, 10). Il y a un lien étroit entre « mystère », Règne de Dieu et paraboles. Le mystère du Règne de Dieu se montre en se cachant dans les paraboles. Les proches de Jésus ont déjà reçu le don de ce mystère et pourtant ils s’interrogent. Ce don n’est donc pas une révélation à des initiés. On peut le comprendre comme le don de la capacité à se laisser surprendre par la parole et à se mettre à l’écoute. Le don du « mystère » rend capable d’entendre parler du Règne de Dieu, ce que montre le commentaire de la parabole fait par Jésus.

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Délier la parabole

Jésus répond à l’interrogation de ceux qui se sont approchés en offrant une clé de compréhension du « parler en paraboles ». Il ne s’agit donc pas de donner un sens unique de la parabole, mais plutôt d’en tirer un des fils pour le déployer ensuite dans une autre parabole. Ce fil est celui de la comparaison entre « ce qui est semé » et la Parole, « le semeur sème la Parole ». Comme pour le semeur, la parole est définie par l’article. Il s’agit de la parole de Dieu, d’où la majuscule que l’on trouve dans les traductions. La comparaison avec les différents terrains produit un décalage. En effet il s’agit maintenant de la façon dont les personnes reçoivent la Parole. L’accent est mis sur la temporalité : ceux qui oublient tout de suite, ceux qui n’ont pas de temps à lui consacrer. L’attention du lecteur est alors de nouveau portée sur la qualité de l’écoute. La « bonne terre » est celle qui laisse à la parole le temps d’être entendue, d’être accueillie et de produire du fruit. La parabole devient elle-même ce qu’elle raconte : elle est comme la Parole semée en abondance qui porte du fruit chez qui l’accueille en s’interrogeant sans cesse sur le sens qu’elle produit dans son existence.

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Le manque d’intériorité

« Ceux du dehors » ne désignent pas un groupe particulier. Ils ne sont définis que par opposition « à ceux qui s’approchent » de Jésus pour l’interroger. Ils sont « du dehors » parce qu’ils restent en dehors du questionnement et parce qu’ils restent à la surface des mots entendus. La parole glisse sur eux et ne les pénètre pas. Ils manquent d’intériorité. Ils laissent la parole semée hors d’eux-mêmes et ainsi tout devient pour eux parabole, parole énigmatique, dépourvue de sens. On comprend alors que chacun peut être à un moment donné de son écoute « du dehors ». Dans cette situation, ce qu’on entend ne fait que renforcer l’incompréhension, le rejet.
La citation d’Esaïe 6, 9-10 au v. 12 : « afin que regardant ils regardent mais ne voient pas, et qu’écoutant ils écoutent mais ne comprennent pas, de peur qu’ils ne se convertissent et qu’il ne leur soit pardonné » pourrait faire penser que c’est Dieu qui redoute de voir les gens du dehors se convertir. Une autre lecture est possible : la peur de se convertir est celle des gens du dehors. En entendant la parabole, ils ne s’interrogent pas sur sa pertinence pour eux et laissent la parole se perdre. Ce risque existe pour l’auditeur, le lecteur, qui peut être empêché d’entendre, entravé par sa peur de changer, d’avoir à reconnaitre une erreur ou une faute, d’avoir à réévaluer sa manière d’être et de vivre, d’avoir à reconsidérer ses priorités.

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