Incarnation - Clés de lecture

Galiléen

Wilfred Monod Né dans une famille de pasteurs, Wilfred Monod fait des études de philosophie, puis de théologie. Il voyage beaucoup pendant ses études. entend bien parler ici de Jésus et pourtant, il le désigne d’abord par le terme de  » Galiléen Région du nord de la Palestine au temps de Jésus. Les évangiles selon Matthieu, Marc et Luc s'accordent à dirent que Jésus aurait vécu et commencé son ministère dans cette région (même si d'après Matthieu et Luc , il serait né à Bethléem, en Judée région du sud de la Palestine).  » comme pour mieux renvoyer à son histoire. L’auteur insiste ainsi sur l’humanité de Jésus : il montre à son lecteur que Jésus a connu et partagé la même condition humaine que lui. Plus l’auteur insiste sur cette caractéristique, plus il accentue ce que la théologie appelle l’incarnation de Dieu. Il s’agit pour lui de montrer que Dieu, en Jésus, a visité les moindres recoins de notre propre humanité : il a réellement été un homme, vivant en un temps et en un lieu déterminés.
Le mot  » incarnation  » vient d’ailleurs du latin incarnatio, littéralement  » prendre chair « . Le verbe  » incarner  » a même remplacé celui de l’ancien français  » encharner  » (utilisé jusqu’au 12e siècle) duquel résonne bien cette action de  » prendre corps « . Bien que ce mot n’appartienne pas au vocabulaire biblique, il est central en christianisme. On touche là ce qui constitue la spécificité chrétienne : confesser que Dieu (transcendant, absolu) s’est incarné en Jésus (homme de chair et de sang). L’histoire de la théologie a montré qu’on pouvait articuler de différentes manières la transcendance de Dieu avec son incarnation.

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En chair et en os

L’auteur s’emploie à décrire l’écart qu’il y a entre Dieu (le  » Très-Haut « , décrit dans la Bible comme au-dessus de tout : Psaume 47) et Jésus, fait de la même chair et du même sang que l’homme. Il invite le lecteur à mesurer la distance que Dieu a parcourue pour venir jusqu’aux hommes.
L’incarnation de Dieu a longtemps interrogé les théologiens, notamment sur la question de la nature exacte de Jésus. De nombreux débats ont eu lieu, pour comprendre, par exemple, comment les deux natures (humaine et divine) peuvent s’unir ou encore si l’une prédomine sur l’autre.
L’expression  » en chair et en os  » renvoie au fait que Dieu a réellement pris corps, il est devenu un humain. Il existe plusieurs manières d’envisager la nature humaine (l’anthropologie). Les auteurs du Nouveau Testament connaissent deux façons de l’exprimer : celle de la pensée hébraïque (qui considère que la chair, l’âme et le souffle de vie sont indissociables et forment un tout) et celle de la pensée grecque (pour qui l’homme est composé d’un corps matériel et d’une âme immatérielle). Les auteurs bibliques semblent avoir mêlé ces deux visions : selon eux, le mot  » corps  » désigne le tout de l’homme (Matthieu 6,22-23) et ne se résume donc pas à de la matière organique. Ainsi, l’expression  » corps du Christ  » peut désigner pour eux plusieurs choses : le corps de Jésus le Galiléen, mais aussi le pain utilisé dans l’eucharistie, et encore l’ensemble des communautés chrétiennes formant l’Eglise.

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Le Christ

L’auteur poursuit sa description en désignant cet homme par le mot  » Christ « . Il rend compte ainsi que celui qui est soumis aux mêmes conditions que tout à chacun est pourtant bien le Messie, l’envoyé de Dieu sur terre. Dans les évangiles, les titres donnés à Jésus entendent préciser son statut particulier, sa filiation directe à Dieu. Les chrétiens reconnaissent en Jésus-Christ la Parole de Dieu devenue chair : il est la manifestation parfaite de Dieu au sein de l’humanité. C’est en Lui que Dieu a choisi de se révéler aux hommes.
Le christianisme est donc une religion dite de révélation, parce qu’elle affirme que c’est Dieu qui se révèle aux hommes, c’est Lui qui va vers les hommes et non l’inverse. Ainsi, le christianisme reconnaît une première révélation : celle de Dieu à son peuple, Israël, racontée dans l’Ancien Testament et dont le contenu est appelé  » Ancienne Alliance « . Il reconnaît enfin une seconde révélation : celle de Dieu aux hommes, réalisée par Jésus-Christ, racontée dans le Nouveau Testament et dont le contenu est appelé  » Nouvelle Alliance « .

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Un être tel que celui-là

L’auteur présente la vie de Jésus comme un événement unique. L’identité de Jésus est la question centrale de ce texte : qu’avait-il donc de si spécial cet  » être tel que celui-là  » ? Jésus est à l’origine de la religion qui, aujourd’hui dans le monde, compte le plus de croyants. Et pourtant, si on s’en tient au strict point de vue historique, rien ne pouvait laisser prévoir un tel  » succès « . Jésus pourrait être perçu comme un simple réformateur religieux (comme il en a toujours existé dans les périodes d’instabilité sociale). Il a sillonné pendant quelques mois les routes de Galilée et de Judée, suivi par une poignée d’hommes d’origine modeste. Il enseignait les foules en annonçant la venue d’un règne nouveau, il a guéri quelques malades. Il a été arrêté à l’instigation des pouvoirs religieux de son époque, et il a été crucifié par les Romains. Quelques uns de ses disciples ont affirmé l’avoir vu vivant après sa mort et ont proclamé qu’il est ressuscité. Dans l’Empire romain, la Galilée et la Judée n’étaient que des provinces mineures et le judaïsme une religion secondaire. Et pourtant, le témoignage de ses disciples se transmet et est reçu dans la foi encore aujourd’hui.
L’auteur centre d’abord l’attention du lecteur sur ce qu’on appelle le ministère de Jésus : la période pendant laquelle il enseigne et agit publiquement. Seuls les quatre évangiles (Matthieu, Marc, Luc et Jean) entendent en faire le récit. Ils ne cherchent pas à faire une biographie de Jésus mais à rendre compte de cet  » être-là  » du point de vue de leur foi. D’après leurs témoignages, Jésus n’était pas qu’un simple réformateur religieux, mais bel et bien la Parole de Dieu incarnée.

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Passion

Le mot  » passion  » vient du verbe latin patior,  » souffrir « . La passion de Jésus recouvre le temps de ses souffrances : son arrestation, son jugement, sa condamnation, sa crucifixion et son ensevelissement. Le Nouveau Testament donne beaucoup d’importance à cet événement, qu’on désigne souvent par  » la Croix « . Le récit des derniers jours de Jésus remplit environ le quart de chaque évangile. C’est l’événement le plus détaillé. L’apôtre Paul écrit même aux Corinthiens :  » j’ai décidé de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus-Christ, et Jésus Christ crucifié  » (1Corinthiens 2,2).
Dans le monde chrétien, d’innombrables tableaux et sculptures représentent le crucifié ; en musique, émergent souvent les grandes Passions (comme celle de Bach). Des croix parsèment les villes et les villages. Dans les chœurs des églises catholiques et luthériennes trônent des crucifix, tandis que les réformés préfèrent la croix nue pour indiquer que Jésus ressuscite et ne reste pas cloué sur la croix. Cette insistance sur la Croix vient de ce que, dans leur immense majorité, les chrétiens considèrent qu’elle apporte le pardon et la grâce de Dieu aux humains, qu’elle est signe du salut offert. C’est également une façon d’insister sur l’incarnation de Dieu : il est vraiment mort. Sa Passion, parfois montrée dans ce qu’elle a de plus sanguinolent, devient alors une attestation de son humanité. Elle ne valorise pas la souffrance mais rappelle que Jésus-Christ l’a vécue dans sa chair.
Ici, l’auteur cherche à réinscrire cet événement de la Croix dans la réalité de son lecteur. Il s’agit pour lui d’insister sur le fait que cette Passion s’est réellement produite dans ce monde-ci : l’incarnation de Dieu sur terre n’est pas une parenthèse dans l’histoire du monde ni un événement sans lien avec son lecteur. Il s’agit d’une initiative de Dieu qui a bouleversé la relation homme/Dieu.

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Victoire sur la mort

L’auteur pointe l’événement majeur sans lequel il n’existerait pas de foi chrétienne : la victoire de Jésus sur la mort, sa résurrection. Cet événement ne minimise en rien la mort de Jésus : Jésus est réellement mort et il est réellement ressuscité. Selon l’auteur, l’événement de Pâques (la résurrection) est même d’autant plus éblouissant qu’il s’applique à un homme fait de chair et de sang.
On ne peut pas appréhender cet événement selon des catégories historiques ou scientifiques : seule la foi permet d’en rendre compte. Toutefois, les théologiens cherchent à en balbutier quelques analyses. Souvent comprise comme une attestation divine, une reconnaissance de Dieu pour ce que Jésus a dit, fait et vécu parmi les hommes, il existe quantité d’interprétations de la résurrection. A l’image des textes bibliques qui multiplient le vocabulaire et les récits pour rendre compte de quelque chose qui ne peut pas se dire avec des mots : Jésus est ressuscité.

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Un monde sacré

Parce que ce monde a été visité par Dieu, on pourrait en déduire que Dieu a sacralisé Les catégories de " sacré " et de " profane " relèvent d'une conception du monde où les lieux, les objets et les êtres sont définis en fonction de leur nature propre, de leur essence. Dans le Nouveau Testament aussi bien que dans l'Ancien Testament, ces catégories s'effacent devant celles de " saint " et de " pécheur " qui définissent l'être humain non pas en fonction de sa nature, mais de sa relation à Dieu. le monde, qu’il l’a divinisé. Cette compréhension de l’incarnation se retrouve en théologie. Cependant, de nombreuses théologies soutiennent une lecture inverse : Dieu ne s’est pas fait homme pour que l’homme devienne Dieu, mais bien plutôt pour qu’il devienne véritablement homme. Selon cette perspective, l’incarnation de Dieu témoignerait d’un recentrage sur la terre et les hommes qui l’habite.
En théologie protestante, il sera fréquemment question des conséquences de l’incarnation de Dieu. A savoir que si Dieu s’est incarné, le croyant ne saurait vivre sa foi de manière désincarnée, c’est-à-dire coupée du monde et des autres. De nombreux théologiens défendront l’idée que si Dieu a connu et assumé l’épaisseur humaine jusqu’au bout (sa mort), alors le croyant ne peut s’extraire de ce monde, s’en détourner au profit d’un ailleurs.

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Ce merveilleux poème

L’auteur insiste pour convaincre son lecteur que Jésus n’est pas un personnage fictif, que l’évangile n’est pas un roman et que Dieu n’est pas une idée : tout cela s’est incarné, a pris réellement vie dans ce monde-ci. Dans cette perspective, ce  » merveilleux poème  » est bien une réalité. L’incarnation n’en demeure pas moins un mystère. Selon les traditions religieuses, ce mystère peut prendre parfois une grande ampleur, notamment dans la piété qu’il développe.
L’histoire de la théologie a montré que des traditions chrétiennes se sont formées à partir de leur compréhension respective de l’incarnation. On se penche alors généralement sur les récits de naissance de Jésus dans les évangiles selon Matthieu et Luc (appelés aussi  » récits de nativité « ), pour discerner comment les évangélistes ont eux-mêmes rendu compte de la conception de Jésus. Ce point fera débat entre les différentes Eglises chrétiennes : notamment autour du statut accordé à Marie (mère de Jésus).

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Décoration tragique

L’auteur retourne brutalement la situation : ce qu’il qualifiait jusque-là de  » merveilleux  » devient une  » décoration tragique  » pour le monde. Ce changement de vocabulaire met en avant le fait que le monde a rejeté Dieu : les hommes n’ont pas voulu du Fils de Dieu. On comprend alors pourquoi l’auteur parle de décoration tragique : c’est tout à la fois source d’espérance que Dieu soit venu parmi les hommes et également source de désolation de constater qu’il y a été mis à mort.
Cette idée a été particulièrement développée chez l’apôtre Paul qui parlait, lui, de folie de Dieu : c’était une folie de venir aux hommes ainsi, de vouloir parcourir ce chemin jusqu’à eux. Cet abaissement de Dieu sera interprété par l’apôtre comme le signe le plus éclatant de l’amour de Dieu pour les hommes.

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