Valdo et le mouvement vaudois - Clés de lecture

Vie de Pierre Valdo

 

Evénements de portée générale Pierre Valdo Evénements religieux liés à Valdo
Vers 1135 Naissance de Pierre Valdo
1145-
1153
Pontificat d’Eugène III
1155-
1190
Frédéric 1er, Barberousse, empereur
1162-
1196
Alphonse II, roi d’Aragon 1173 Conversion de Valdo
1179 3e Concile du Latran, les cathares et les patarins sont condamnés, mais pas les Vaudois 1179 Délégation vaudoise à Rome
1180-
1223
Philippe Auguste, roi de France 1180 Profession de foi de Valdo
1182 Valdo chassé de Lyon. Interdiction de prêcher sans autorisation ecclésiastique
1184 Concile de Vérone : excommunication des Pauvres de Lyon
1185-
1186
Les Pauvres de Lyon condamnés comme hérétiques par l’archevêque de Narbonne
1190 Les Vaudois en Languedoc
1191-
1197
Henri VI, empereur 1192 Le roi d’Aragon prend une mesure de bannissement contre les Vaudois
1198-
1213
Pontificat d’Innocent III 1198 Les Pauvres en Lombardie
1205 Conversion de François d’Assise Première prédication de Dominique contre les Cathares Du grec katharos qui veut dire " pur ", il s'agit d'un mouvement religieux qui se considère comme chrétien. Il se développe en Lombardie et en Languedoc dans la deuxième moitié du 12e siècle.
1206-
1207 ?
Mort de Valdo
Suite
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Les Vaudois

1208

Durand de Huesca fonde les Pauvres catholiques

 

Evénements de portée générale Les Vaudois Evénements religieux liés aux Vaudois
1207 Colloque de Pamiers
1208 Croisade contre les albigeois Les albigeois, un groupe de cathares nommés ainsi en lien avec la ville d'Albi, avaient une théologie manichéenne, des exigences strictes d'ascèse et vivaient en communautés très hiérarchisées. Sous le pape Innocent III, qui a appelé à la croisade contre les albigeois, ils seront persécutés et exterminés .
1209-
1218
Othon IV, empereur 1210 Edit d’Othon IV contre les Vaudois du diocèse de Turin 1210 Le pape approuve la règle de François d’Assise
1215 Condamnation des Vaudois comme hérétiques par le 4e concile du Latran
1218 Colloque de Bergame
1223 L’ordre des franciscains est approuvé par le pape
1226-
1270
Louis IX (Saint-Louis), roi de France
1231 Création de l’Inquisition Jusqu'à la fin du Moyen Age, c'est l'institution ecclésiale qui se chargeait de l'enquête concernant les , le bras séculier mettant en œuvre leur éventuelle condamnation. A partir de ce moment-là, notamment dans le contexte de la persécution des et , c'est une institution particulière soumise à l'évêque qui va en être chargée : l'Inquisition.
1244 Chute de Montségur
1266 Inquisition en Bohême Diffusion des Vaudois en Autriche
1309 La papauté se déplace à Avignon
1312 Premier bûcher dans les vallées du Piémont (Pignerol) d’une femme pour  » vaudoiserie « 
1315 Les Vaudois en Calabre
1378 Le grand Schisme L'Eglise a connu de nombreux * au cours de l'histoire. Les deux principaux sont le Schisme d'Orient (1054) qui a vu la séparation de l'Eglise d'Orient (Eglises orthodoxes) et de l'Eglise d'Occident (Eglise romaine) et le Grand Schisme d'Occident.
1380 Martin de Prague, inquisiteur en Bohême
1384 Mort de Wyclif
1399 Procès de Vaudois à Berne
1415 Martyr de Jan Hus à Constance
1417 Fin du Schisme
1470 Les Vaudois du Piémont repeuplent le Luberon
1526 Premiers contacts avec la Réforme
1532 Les Vaudois adhèrent à la Réforme (Chanforan)
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Une époque de bouillonnement

Le Moyen Age est une époque au cours de laquelle apparaissent, foisonnent, se développent, se mélangent, disparaissent, de nombreux mouvements de protestation spirituelle, voire de réforme de l’Eglise, comme la Réforme grégorienne Ce mouvement de réforme a été initié et conduit par le pape et bénédictin Grégoire VII (devenu pape en 1073). Il se bat avec véhémence contre la et le mariage des prêtres, pour la " pureté et la liberté de l'Eglise ".. Ils ont souvent comme point commun de dénoncer l’indignité du clergé, les infidélités de l’Eglise, leur attachement aux richesses. S’y mêlent aussi des idées théologiques nouvelles en rupture plus ou moins claire avec la doctrine officielle. Il y a là une nébuleuse de courants aux contours incertains et mouvants. Il est parfois difficile de discerner s’il s’agit d’un authentique retour à l’Evangile, d’une protestation au nom de la fidélité au Christ, ou d’un mélange de foi chrétienne et de notions étrangères à la révélation biblique. L’Eglise de l’époque, pour s’en défendre, confond généralement ces différents mouvements sous le même vocable d’hérésie Vient d'un verbe grec (haireo) qui veut dire " choisir ". Dans le monde grec, il décrit un choix opéré dans le domaine scientifique, religieux ou politique., rejetant d’un bloc les outrances et les nouveautés salutaires.

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Difficile de discerner

Il faut aborder l’histoire de Valdo et du mouvement vaudois avec beaucoup de prudence, car ils peuvent être racontés, compris, interprétés de manières fort différentes en fonction de ce que l’on veut lui faire dire. Beaucoup d’incertitudes demeurent devant lesquelles on ne peut souvent avancer que des hypothèses, que l’on s’efforcera chaque fois de signaler.  » Tenter de retracer l’histoire des Vaudois revient à cumuler les difficultés. C’est que ces gens ont laissé peu de témoignages directs ; paysans, ils ne faisaient pas partie des lettrés ou des puissants qui cultivaient l’écriture ; cachant leur dissidence, ils veillaient à ne pas éveiller les soupçons et donc à laisser peu de traces. L’essentiel de la documentation provient de ceux qui les ont combattus : traités, dissertations, procès… Comme pour toutes les minorités clandestines, nous disposons essentiellement de sources indirectes dites « de substitution », qu’il convient de traiter avec prudence  » (Gabriel Audisio)

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Naissance de Valdo

On a peu de certitudes concernant la vie de Valdo. Nous ne connaissons rien, ou très peu de choses, de son origine, de sa jeunesse et des dernières années de son existence. On le fait naître vers 1135. Même son nom est incertain. Seule son origine latine Valdesius ou Valdensis nous est parvenue. On peut supposer qu’il s’appelait Valdès ou Vaudès, d’où Valdo, qui en est vraisemblablement sa forme italienne. Nous avons conservé ce nom car c’est l’usage courant. Certains ont aussi avancé l’hypothèse que ce nom indiquait une origine du pays de Vaud en Suisse ou de la localité Vaux près de Lyon. Il faut attendre 1368 pour apprendre que son prénom est Pierre. On n’est guère plus assuré de son métier que de son nom. Ce serait un négociant du quartier Saint Nizier à Lyon. Il aurait habité dans une rue appelée à cause de lui rue  » Maudite « . Marchand de toiles mais sans doute aussi exploitant de fours et de moulins appartenant à l’évêché. Certains le disent très riche, pratiquant l’usure. C’est en tout cas un brasseur d’affaires et un notable associé à la vie politique et administrative de la ville. Des activités qui l’ont vraisemblablement amené à voyager loin de Lyon. La tradition le veut marié et père de deux filles.

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Conversion de Valdo

Plusieurs versions circulent concernant cet événement qui va entraîner un changement radical dans la vie de Valdo. La date elle-même est incertaine. Un des plus anciens textes, celui d’un chroniqueur de Laon, situe cette conversion en 1173. Certains vont jusqu’à la dater plus précisément entre le 27 mai et le 22 juin. D’autres la placent en 1176, après une famine qui a frappé Lyon. Plusieurs raisons sont généralement mentionnées pour expliquer sa conversion : une prédication sur le texte du jeune homme riche, la mort d’un ami, la chanson d’un troubadour. Mais aussi, plus fondamentalement, Pierre Valdo éprouve une inquiétude et une insatisfaction devant ce qu’il est, devant la société et devant l’Eglise. Cette profonde crise spirituelle que Valdo traverse va avoir deux conséquences immédiates importantes : la traduction de la Bible en langue vulgaire et le choix d’une vie de pauvreté. Ces deux décisions sont étroitement liées et on ne sait pas si l’une, et laquelle, a précédé l’autre.

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La traduction de la Bible en langue vulgaire

Au 12e siècle, les manuscrits de la Bible sur parchemin sont rares, encombrants, onéreux. De surcroît, les gens du peuple ne savent pas lire ces textes écrits en latin. Valdo ne peut se contenter de souvenirs des prédications entendues. Il veut pouvoir retrouver les textes qui sont à la source de ces sermons et les rendre accessibles à tous. Il décide donc de faire traduire, à ses frais, des passages de l’Ecriture en langue vulgaire, c’est-à-dire dans la langue que l’on parlait à Lyon. Il s’est adressé pour cela à un clerc lettré, Etienne d’Anse, puis à un certain Bernard Ydros pour en faire des copies. Tout cela a dû lui revenir cher et l’on peut donc supposer qu’il l’a fait alors qu’il disposait encore de sa fortune. On pense que les quatre évangiles ont été traduits et également certains extraits des Pères Dans l'Antiquité, le maître était souvent désigné comme " Père ". De ce fait, ce nom revient aux évêques, mais on étend ce sens de Père à des écrivains reconnus comme témoins de la tradition authentique de l'Eglise. de l’Eglise (Ambroise, Augustin Augustin est sans doute le plus célèbre des Pères de l'Eglise. C'est lui qui a laissé l'œuvre la plus abondante, la mieux conservée et qui a produit un héritage important, même si ses héritiers n'ont pas toujours été fidèles à la pensée du maître.*, Jérôme, Grégoire…) que les Vaudois appellent les  » sentences « . Sont ainsi mis à la disposition d’un grand nombre de gens les fondements bibliques de la foi.
Mais en fait, lire les Ecritures ne s’opposait pas aux directives de l’Eglise. L’évêque de Lyon, Guichard, a même pu, dans un premier temps, encourager Valdo dans son entreprise. Par contre, ce qui était exceptionnel et posait problème à l’Eglise de ce temps, c’était qu’un laïc (c’est-à-dire une personne n’appartenant pas au clergé) lise la Bible, le fasse dans la langue du peuple et la commente en public.

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Le choix d'une vie de pauvreté

Le vœu de pauvreté n’est pas inhabituel à cette époque. Ils sont nombreux à l’avoir prononcé au Moyen Age. On pense notamment aux moines et aux ermites. Mais le cas de Valdo revêt un aspect particulier. D’abord il n’entre pas dans les ordres, il reste laïc, intentionnellement. Ensuite, il ne semble pas donner à la pauvreté une valeur méritoire, mais plutôt une dimension de contestation d’un ordre social injuste et d’une Eglise fascinée par les richesses. Son geste suscite dans son milieu l’incompréhension. Se référant aux chroniqueurs de l’époque, voilà, selon l’historien Giorgio Tourn, ce qu’aurait dit Valdo :  » Citoyens, mes amis, contrairement à ce que vous croyez, je ne suis pas devenu fou, je me venge de mes ennemis, de ces ennemis qui m’ont opprimé jusqu’ici, me contraignant à faire passer l’amour de l’argent avant Dieu ; ce que je fais, je le fais pour moi et pour vous. Pour moi afin que si dorénavant je possédais encore quelque chose, vous puissiez me dire que je suis fou, pour vous afin que vous appreniez à mettre votre espérance en Dieu et non en la richesse.  »
Toutefois, lorsque Valdo décide de vendre tous ses biens, il prend soin d’en soustraire au préalable une part afin d’assurer l’existence matérielle de sa femme et de ses filles.

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Annoncer à tous la Parole

Ce que l’on va très vite reprocher à Valdo c’est de lire la Bible sans se référer aux interprétations officielles et de prêcher, alors que c’était jusqu’alors le monopole du clergé.  » La prédication est l’affaire des évêques -affirme Guichard- c’est leur tâche et leur qualité de successeurs des apôtres leur en confère le droit.  »  » Non -répondent les Pauvres- chaque homme en a le droit dans la mesure où il vit comme vivaient les apôtres de Jésus  » (Giorgio Tourn). Partageant la langue des humbles, c’est avec leurs mots que Valdo va annoncer l’Evangile. Faire lire la Bible, faire entendre la Parole de Dieu dans la langue du peuple, c’est là une démarche qui préfigure et anticipe celle de Luther. Attirés par sa parole et par la nouveauté de son expérience des hommes et des femmes commencent à se rassembler autour de lui. En référence aux  » pauvres en esprit  » des Béatitudes, la petite communauté choisit, pour se définir, le nom de  » pauvres « . Leur prédication est simple et directe. Ils ne prétendent pas enseigner de nouvelles doctrines, ils se limitent à exhorter leurs concitoyens à la repentance, à la pratique des bonnes oeuvres, à une vie authentiquement chrétienne.

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Les Pauvres

Valdo et ses  » frères « , en s’appelant  » Pauvres « , en référence aux Béatitudes, entendent signifier qu’ils ont pour idéal la constitution d’une communauté semblable à celle des premiers disciples de Jésus, vivant de sa Parole et lui obéissant. Ils prennent pour règle les paroles que Jésus adresse à ses disciples quand il les envoie en mission. Comme les apôtres, ils s’en vont deux par deux, vivant d’aumônes, vêtus de bure et portant sandales ce qui leur vaut d’être appelés ironiquement les  » Sandalisés « . Vers 1177, c’est-à-dire en trois ou quatre ans, Valdo et ses associés ont constitué une communauté et ils commencent à essaimer hors de Lyon. Ils annoncent l’Evangile, acceptant de discuter publiquement avec les représentants du clergé. Les historiens soulignent aussi qu’ils n’hésitent pas à faire une place aux femmes dans leur mouvement.
Au départ, l’évêque de Lyon, Guichard, soutient et défend les Pauvres contre son chapitre lyonnais plutôt conservateur.

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Une communauté

Les Pauvres de Lyon ne veulent pas constituer une confrérie ou fonder un couvent, mais ils s’organisent en une association de personnes qui ont des convictions et des objectifs communs. Ce n’est donc pas par hasard qu’ils emploient un terme de la langue commerciale :  » societas « , pour définir leur communauté. Ils forment une société, un groupe d’associés. Ils ne se retirent pas hors du monde, dans des lieux déserts. C’est sur les places, dans les rues, les maisons, les églises de leur ville qu’ils veulent vivre et faire entendre la vocation que Dieu leur adresse. Gautier Map, l’archidiacre d’Oxford qui les a interrogés au 3e concile de Latran, les décrit ainsi vers 1182 :  » Ces gens n’ont pas de résidence fixe ; ils vont deux par deux, nus pieds, vêtus de bure, ne possédant rien et mettant tout en commun selon l’exemple des apôtres, suivant nus un Christ nu. « . Cette dernière expression sera reprise en 1263 par saint Bonaventure pour désigner les premiers Franciscains.

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Valdo et l'évêque de Lyon

Le succès assez notable du mouvement des Pauvres commence à agacer et inquiéter l’évêque Guichard. En effet,  » le problème que les « Pauvres » soulèvent dans l’Eglise du 12e siècle n’est pas celui de la pauvreté ou celui de la vie chrétienne, mais c’est le problème de la prédication de l’Evangile et de l’authenticité de la communauté chrétienne.  » (Giorgio Tourn). L’évêque indique alors à Valdo des restrictions à son activité. Il est d’accord pour que Valdo étudie la Bible en langue vulgaire et en fasse une lecture publique, mais il ne l’autorise pas à prêcher. Il lui permet seulement un bref commentaire. Comme Valdo n’applique pas vraiment ses prescriptions, l’évêque Guichard lui demande, ainsi qu’à ses associés de s’éloigner de Lyon. La plupart le font, d’autres se cachent. Malgré ces obstacles, le mouvement continue à se développer. Nous sommes en 1178. Guichard leur interdit de prêcher dans tout le diocèse. Devant cette interdiction, les Pauvres de Lyon en appellent au pape de la décision de l’évêque.

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Délégation vaudoise à Rome

Les Vaudois arrivent à Rome en 1179 où un rapport de l’évêque Guichard les a certainement précédés. Valdo et sans doute Vivet, converti de la première heure et ami de toujours, font partie de la délégation. Les membres du 3e concile du Latran les accueillent plutôt favorablement. Selon une tradition postérieure, le pape les aurait même reçus personnellement, les aurait embrassés et aurait accepté le don d’une de leurs Bibles. Ils sont interrogés par un moine anglais Gautier Map. Ce religieux lettré va les ridiculiser en les interrogeant sur de subtiles questions théologiques. Toutefois le concile ne les condamne pas, alors même qu’il prononce une condamnation des cathares et des patarins. Les Vaudois sont renvoyés à l’autorité de leur évêque. Rentrés à Lyon et malgré la déception que leur a causé leur voyage à Rome, les  » Pauvres  » se remettent à prêcher, exhortant leurs concitoyens à la repentance et à la pratique des bonnes oeuvres. Ils n’ont pas le sentiment d’être des hérétiques Vient d'un verbe grec (haireo) qui veut dire " choisir ". Dans le monde grec, il décrit un choix opéré dans le domaine scientifique, religieux ou politique., comme le montre de manière exemplaire ce texte dit de  » La Profession de foi de Valdo « .

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Interdiction de prêcher

On pense qu’en revenant de Rome, les Pauvres de Lyon sont passés par la Lombardie où ils ont rencontré les  » Pauvres lombards  » qui ont des points communs avec eux. En 1180 Valdo et ses associés sont de retour à Lyon après 18 mois d’absence. Confortés par l’accueil bienveillant du pape qu’ils interprètent comme un accord ils se remettent à prêcher, gagnant de nouveaux adeptes. On pense qu’un nouveau contrôle ecclésiastique a lieu à Lyon. Certains historiens situent à ce moment-là la fameuse Profession de foi de Valdo. Les autorités lui auraient demandé de la signer, ce qu’il aurait fait, exprimant ainsi sa foi d’une manière fidèle à la doctrine officielle. D’autres historiens placent cet événement dans le Sud de la France, dans le contexte plus précis de la lutte contre le catharisme. En 1182, l’archevêque Guichard meurt. Il est remplacé par Jean de Bellesmains ou de Belméis. C’est un prélat hautain et méprisant, équipé comme un chevalier et au comportement de seigneur. Il considère que Guichard a été trop faible avec les Vaudois (selon l’historien Maurice Pezet) et veut en finir avec eux. Il leur refuse l’autorisation de prêcher. Valdo et ses associés passent outre à cette interdiction. Ils sont alors considérés comme rebelles et schismatiques. Valdo va se cacher et ne prendra plus la parole que clandestinement. En 1184, le concile de Vérone condamne à nouveau les Cathares et les Patarins et prononce l’excommunication des Pauvres de Lyon. Valdo et les  » pauvres  » refusent de se soumettre, citant pour se justifier, la parole de Pierre et Jean au sanhédrin :  » Qu’est-ce qui et juste aux yeux de Dieu : vous écouter ? ou l’écouter, lui ? A vous d’en décider !  » (Actes 4,19). Ils sont alors contraints de quitter Lyon.

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Contraints de quitter Lyon

Les Vaudois poursuivent alors leur mission en Bourgogne, en Champagne semble-t-il jusqu’aux régions allemandes, et au sud, dans la vallée du Rhône, les Alpes et le Piémont, en Provence et en Languedoc. Ils vont croiser sur leurs routes d’autres mouvements dissidents. A leur contact, leur pensée va évoluer et se préciser. Peu à peu leur théologie se structure. Ils en viennent à ne reconnaître que deux sacrements : le baptême et la cène. Ils dénoncent les croyances concernant le culte des saints, celui des reliques et les prières pour les morts. Sur le plan éthique à partir du Sermon sur la Montagne (Matthieu 5 et suivants), ils récusent l’usage du serment, refusent la violence et font passer l’amour des personnes avant l’obéissance aux autorités. Enfin ils critiquent le caractère monarchique de l’Eglise, son organisation hiérarchique et centralisée, son exercice autoritaire du pouvoir. Autant d’éléments qui annoncent les idées de Wyclif, de Hus et la Réforme du 16e siècle à laquelle les Vaudois se rallieront.

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Les Pauvres en Lombardie

Les  » Pauvres lombards  » ont un passé différent de celui des  » Pauvres de Lyon « . Leur protestation ne s’enracine pas d’abord dans la lecture des Evangiles, mais dans leur critique de l’Eglise, en particulier de son clergé corrompu par les richesses, et de la société de leur temps. Sans doute influencés par le mouvement des Patarins qui vient d’être condamné par le 3e concile du Latran (1179), ils sont avant tout les héritiers d’Arnaud de Brescia. Ils veulent non seulement prêcher l’Evangile mais aussi réformer la société. Cette approche politique n’est pas vraiment celle de Valdo. Ils ont toutefois en commun le souci d’annoncer l’Evangile dans la langue du peuple et de rendre ainsi le Christ accessible aux plus petits. Les Pauvres de Lyon et les Pauvres de Lombardie vont avoir des différences, voire des points de divergence. Certains pensent même qu’une crise grave se serait produite en 1205 et que Valdo aurait alors rompu avec les Pauvres lombards. Mais face à la répression, les deux groupes se rapprochent peu d’années après sa mort et vont se retrouver au colloque de Bergame (1218) pour discuter de ce qui les unit et de ce qui les sépare. C’est par les Pauvres lombards que le mouvement vaudois va se déplacer vers l’Est et le Nord de l’Europe.

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Différences et divergences

On peut dire que les disciples de Valdo, les Pauvres de Lyon, fondent leur mouvement sur le discours missionnaire de Jésus (Matthieu 10). Les Pauvres lombards s’appuient eux sur l’expérience de la première communauté chrétienne (Actes 2). Ils continuent à vivre avec leur famille, exercent une activité professionnelle, sont insérés de manière sédentaire dans le tissu social. Ils se distinguent par un sens profond de la solidarité sociale et une grande capacité d’organisation. Ils nomment des responsables. L’un d’entre eux, Jean de Roco, originaire de Plaisance est même nommé à vie.  » Les Lyonnais considèrent l’exercice d’une activité professionnelle comme représentant une attache, un obstacle, la tentation de la richesse ; les Lombards en font un instrument de service, une forme du témoignage chrétien, un moyen pour s’insérer dans la vie concrète. La « societas valdesiana » des premières années lyonnaises a pour personnage caractéristique un prédicateur itinérant, semblable au ménestrel qui s’en va de par le monde, libre chantre de la pénitence. La « Valdésie lombarde » a pour personnage central un artisan, un ouvrier de la laine, fileur ou tisserand, en bref un travailleur.  » (Giorgio Tourn)

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Profession de foi de Valdo

Les Pauvres de Lyon sont très respectueux de la hiérarchie. Ils ne veulent pas détruire l’Eglise de leur temps. Ils s’en sentent pleinement partie prenante. Ils l’appellent seulement à la conversion et au changement de vie. Leur engagement pour la cause de l’Evangile ne les fait pas entrer en dissidence. Ce sont des chrétiens dont la foi est fondée sur l’Evangile et non des rebelles novateurs contestant les autorités. En témoigne le texte de cette  » Profession de foi  » attribuée à Valdo (mais écrite peut-être par quelqu’un d’autre) où l’auteur proteste littéralement de sa  » bonne foi « , en se référant aux dogmes traditionnels et au Credo Credo signifie en latin " je crois ". On appelle " Credo " ou de foi les textes des premiers siècles à travers lesquels l'Eglise primitive a exprimé le contenu de sa foi. de l’Eglise. On la situe en 1180. Un cardinal, Henri de Marcy, venu dans le sud de la France pour combattre les Cathares, interroge Valdo ou un Vaudois soupçonné de sympathies pour le catharisme. Il s’agit en somme de vérifier son orthodoxie L'étymologie grecque de ce mot signifie l'opinion (doxa) droite (orthè). C'est l'ensemble des idées ou conceptions traditionnellement admises dans une discipline (art, science, morale.. Le prélat lui soumet alors pour qu’il la signe une profession de foi traditionnelle. Ce que fait son interlocuteur, exprimant ainsi sa fidélité à la foi traditionnelle et se démarquant du mouvement cathare. Mais il ajoute au texte officiel des éléments plus personnels concernant notamment la pauvreté à laquelle appelle la Parole de Dieu et la soumission aux préceptes évangéliques.

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Les Vaudois en Languedoc

La présence de Vaudois en Languedoc semble attestée dès la fin du 12e siècle. Ils vont dans cette région être en contact avec des mouvements dont l’attitude est beaucoup plus critique et l’opposition plus radicale à l’égard de l’Eglise, de son clergé corrompu et de ses erreurs dogmatiques. Ce sont les disciples de Pierre de Bruys et d’Henri de Lausanne. C’est également et surtout le mouvement cathare en plein développement dont les vaudois vont chercher à se démarquer. Pour cela, ils réitèrent leur fidélité à la foi orthodoxe, dans la ligne de la  » Profession de foi de Valdo « , et combattent les doctrines cathares. Désormais les Cathares n’ont plus seulement à faire à des ecclésiastiques considérés comme disqualifiés par les scandales, mais à des  » Pauvres  » itinérants qui s’efforcent de vivre en fidélité à l’Evangile. Selon Jean Duvernoy, les Vaudois se seraient même insurgés contre la richesse des dirigeants cathares les traitant  » d’hommes d’affaires  » ! Un des disciples de Valdo, Durand d’Huesca se distingue particulièrement dans cette activité polémique. Il est l’auteur d’un traité anti-cathare : le Livre contre l’hérésie, un ouvrage qui rend compte de la vie du mouvement et constitue, sans doute, le premier document de la littérature vaudoise. Pendant une vingtaine d’années et malgré les condamnations des autorités civiles ou religieuses, le mouvement vaudois va conserver une certaine liberté de mouvement

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Les condamnations des autorités civiles ou religieuses

En 1190, l’évêque de Narbonne condamne les Vaudois pour hérésie et Alphonse II, roi d’Aragon, dont les pouvoirs s’étendent jusqu’en Provence, les chasse de ses terres. L’évêque de Toul demande qu’on les arrête et qu’on les traduise devant son tribunal. Peu à peu la répression s’amplifie. Durand d’Huesca, qui pendant un certain temps avait représenté l’élite intellectuelle du mouvement vaudois, retourne dans le giron de l’Eglise romaine. En effet, lors d’un colloque à Pamiers (1207) à la cour du comte de Foix, il affronte des théologiens fidèles à l’Eglise romaine, dont probablement Dominique, et se laisse convaincre. En 1208, il fait approuver par le pape Innocent III un ordre des Pauvres catholiques dont la règle était calquée sur le manifeste de Valdo. On pense généralement que ce mouvement n’a pas duré : il aurait été absorbé par les dominicains L'abréviation des dominicains est O. P. ou les franciscains Ordre religieux fondé par d'Assise (1182-1226). Entendant le texte de l'évangile selon Matthieu (10,7-11) où Jésus annonce aux disciples qu'ils doivent aller prêcher dans la pauvreté, François décide de devenir prédicateur itinérant..
Le 4e concile du Latran en 1215 confirme les condamnations antérieures de l’Eglise à l’égard des Vaudois. Leur excommunication définitive est prononcée. Désormais le mouvement vaudois, et ceci jusqu’à la Réforme, vivra dans la clandestinité ou le nicodémisme Au 16e siècle, quand les difficultés commencent pour les protestants français, certains d'entre eux considèrent que pour éviter la persécution, il vaut mieux se conformer extérieurement aux pratiques officielles, cacher ses convictions réelles et, à l'instar du personnage biblique de Nicodème, " venir à Jésus la nuit " (Jean 3/2). Le Réformateur français Jean dénonce le manque de courage de ceux qui n'osent pas afficher leur foi au grand jour. (c’est-à-dire l’apparence catholique).

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Mort de Valdo

Il y a beaucoup d’incertitudes et bien des hypothèses concernant sa mort. Selon une tradition, il serait mort en Bohême, selon une autre il serait mort à Gourdon dans le Lot. Aucune tombe ne porte son nom. Seul, un monument de la Réforme à Worms, honore son souvenir. Quant à la date, elle est le plus généralement située en 1206-1207. Mais il en est qui pensent que Valdo n’a pas vu le 13e siècle (Paul Leutrat, Antoine Dondaine). D’autres le disent vivant en 1215 ou 1217

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Le colloque de Bergame

Un témoignage fondamental du colloque de Bergame (1218) est une lettre adressée aux Vaudois d’Allemagne pour les en informer. Après des échanges de correspondance, six Pauvres de Lyon et six Pauvres lombards (soit douze délégués comme les douze disciples de Jésus) se rencontrent pour faire le constat de leurs convergences et de leurs divergences. Face à l’hostilité de l’Eglise et compte tenu de l’étroite parenté de leurs positions, ils ressentent la nécessité d’unir leurs forces. Ils posent les bases d’un mouvement qui se nourrit des richesses des uns et des autres : l’esprit missionnaire des Pauvres de Lyon est complémentaire de l’organisation et du réalisme des Pauvres lombards. Cette rencontre constitue un tournant décisif pour le mouvement vaudois qui va essaimer à travers l’Europe

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